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— Bonjour, monsieur ; et merci bien de vos bontés.

— Dites ben à la jeune miss que j’voulais pas lui faire du mal, et n’manquez pas d’l’y rapporter aussi ce que le m’sieur a dit ; » répète le pauvre Jo en s’éloignant de la femme du briquetier, après lui avoir dit adieu moitié riant, moitié pleurant. M. Woodcourt traverse la rue, Jo rampe de son côté en longeant la muraille ; et tous les deux se retrouvent en plein soleil dès qu’ils sortent de Tom-all-Alone’s.


CHAPITRE XVII.

Le testament de Jo.

Tout en parcourant les rues, où les flèches des églises se découpent nettement sur le ciel, M. Woodcourt réfléchit à ce qu’il va faire de Jo. « N’est-il pas étrange, se dit-il, qu’au centre du monde civilisé, on soit plus embarrassé d’une créature humaine que d’un chien égaré ? Mais le fait n’en existe pas moins, si étrange qu’il puisse être ; » et le docteur ne voit pas comment il pourra y remédier.

Jo, fidèle à sa promesse, rampe le long des maisons, de l’autre côté de la rue, tournant la tête de temps en temps vers le gentleman, qui se demande toujours où il pourra le conduire. Une laiterie, près de laquelle il passe, rappelle d’abord au docteur ce qu’il y a de plus pressé ; il fait un signe au pauvre Jo qui vient à lui clopin clopant, tournant les os de sa main droite dans le creux de sa main gauche où il pétrit la crasse avec le pilon de la nature, et qui l’instant d’après est en face d’un déjeuner qui doit lui paraître excellent.

Mais le pauvre garçon, après avoir porté la tasse de café à ses lèvres, la repose sur la table en regardant autour de lui, comme un animal effarouché ; il est si malade et si pauvre, que la faim elle-même l’abandonne.

« J’ créyais, dit-il, qu’ j’avais besoin d’manger ; y a si longtemps…, mais j’ai pas l’cœur d’avaler ; ça n’passe pas. »

Et, tout frissonnant, il regarde son pain avec des yeux surpris. Le docteur lui tâte le pouls et met la main sur sa poitrine :

« Respirez fortement, dit-il.

— Ah !… qu’c’est lourd, répond Jo ; aussi lourd qu’une char-