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— Demeurez-vous loin d’ici ? demande-t-il encore après avoir terminé son pansement.

— Nous demeurons à Saint-Alban, à vingt-deux ou vingt-trois milles de Londres. Connaîtriez-vous ce pays-là, monsieur ?

— J’en ai beaucoup entendu parler. Mais avez-vous de l’argent pour payer votre garni ?

— Oui, monsieur. »

Elle lui montre effectivement quelques pièces de monnaie, et le remercie de ses soins. Le docteur lui répond qu’il est heureux d’avoir pu lui être utile, et s’éloigne en lui souhaitant le bonjour. Tom-all-Alone’s est toujours profondément endormi, et rien ne bouge.

Mais si, voici quelque chose qui remue ! en revenant sur ses pas vers l’endroit d’où il a d’abord aperçu Jenny, Allan voit venir de son côté un individu couvert de haillons qui se traîne le long du mur, les mains en avant, en regardant autour de lui, comme s’il avait peur que quelqu’un ne le reconnût. C’est un jeune homme, presque un enfant. Sa figure est d’une maigreur excessive, et ses yeux, creusés par la fièvre et la faim, ont un éclat singulier. Il est tellement occupé tout entier de se glisser en cachette le long de la muraille, que l’apparition d’un gentleman dans Tom-all-alone’s ne l’arrête même pas ; il se cache le visage derrière sa manche en guenilles, et passe de l’autre côté de la voie fangeuse, où il continue de ramper avec inquiétude. Ses vêtements, dont il serait impossible de reconnaître la forme primitive, pendent en lambeaux autour de lui, comme un paquet de feuilles mortes, pourries au fond de quelque marécage.

M. Woodcourt le regarde et croit avoir déjà vu cette figure. Il ne pourrait pas dire en quel endroit ; mais assurément il a rencontré ce malheureux quelque part ; peut-être à l’hôpital ou dans un lieu de refuge. Et tandis qu’il cherche à rappeler ses souvenirs en s’étonnant lui-même de la persistance qu’il met à vouloir préciser un fait de si mince importance, il entend derrière lui des pas précipités, se retourne et voit le pauvre garçon fuyant à toutes jambes, poursuivi par la femme du briquetier, qui lui crie :

« Arrêtez-le, monsieur, arrêtez-le ! »

Croyant que le misérable a pris à la pauvre femme son argent ou son paquet, le docteur se place devant le fuyard pour lui barrer le passage ; mais celui-ci fait un crochet, se baisse et lui échappe. Allan se met à courir ; il va l’atteindre, lorsqu’un nouveau crochet et un nouveau plongeon sauvent encore le fugitif. La lutte recommence ; elle continue. Dix fois le docteur