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« Que faites-vous là ? dit-il.

— Rien, monsieur.

— Vous n’avez donc pas pu vous faire ouvrir ?

— J’attends qu’on soit levé dans c’t’ autre maison là-bas, un garni, répond-elle avec douceur ; et je suis venue m’asseoir ici pour que le soleil me réchauffe quand il va paraître.

— Vous m’avez l’air bien fatiguée, et je souffre de vous voir dans la rue.

— Merci, mon bon monsieur ; ça ne fait pas grand’chose. »

L’habitude qu’il a de parler aux pauvres et de se montrer simple et bon à leur égard ; d’éviter cet air de protection, de condescendance ou même d’enfantillage que certaines gens croient devoir prendre avec eux, lui a fait gagner immédiatement la confiance de cette femme.

« Laissez-moi voir ce que vous avez au front, lui dit-il. N’ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal ; je suis médecin. Vous avez reçu un mauvais coup, pauvre femme ; la peau est profondément entamée. Vous devez beaucoup souffrir ?

— Un peu, dit-elle en essuyant une larme.

— Permettez que je vous panse. Ne craignez rien ; mon mouchoir ne peut pas vous blesser.

— J’en suis bien sûre, mon bon monsieur.

— Votre mari est donc briquetier ? dit-il après avoir pris sa trousse dans sa poche et en procédant au pansement de la blessure.

— Comment savez-vous ça ? répond la femme avec surprise.

— La couleur de la terre qui couvre votre paquet et vos vêtements l’indique ; je sais en outre que les briquetiers vont d’un lieu à un autre pour y chercher de l’ouvrage, et qu’ils sont en général assez durs pour leurs femmes. »

La pauvre créature lève les yeux comme pour protester contre cette assertion et faire entendre que ce n’est pas son mari qui lui a donné ce mauvais coup.

« Où est-il à présent ? demande M. Woodcourt.

— Il s’est fait arrêter la nuit dernière, seulement pour vingt-quatre heures, et doit venir me chercher au garni où je vais l’attendre.

— Il pourra bien se faire mettre en prison pour plus longtemps s’il continue à vous maltraiter de la sorte ; mais vous lui pardonnez, pauvre femme, et je ne dirai pas un mot de plus, si ce n’est que j’aurais voulu qu’il fût digne de votre bonté. Avez-vous de jeunes enfants ?

— Non, monsieur ; mais Lize en a un, et je l’aime comme s’il était à moi.