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L’arrivée de Richard interrompit cette conversation. Mon pauvre ami avait toujours eu beaucoup d’amitié pour M. Woodcourt, et le revit avec un plaisir évident. Malgré cette joie sincère, qui donnait à son visage une expression toute différente de celle qu’il avait eue en causant avec moi, je m’aperçus que M. Woodcourt le regardait fréquemment et l’examinait avec attention, comme s’il avait trouvé dans sa figure quelque chose dont il était inquiet. Richard, qui venait à Londres avec nous, proposa au docteur de nous accompagner ; mais celui-ci ne pouvait partir que le lendemain, et regretta vivement d’être obligé de rester. Toutefois il accepta notre dîner. Il avait repris ses manières habituelles, et je me félicitais d’avoir triomphé de la répugnance que j’avais eue tout d’abord à paraître devant lui. Son inquiétude pour Richard semblait avoir augmenté. Je ne savais pas jusqu’à quel point j’avais le droit de lui raconter franchement la position de M. Carstone, et pourtant je crus nécessaire de lui en dire quelques mots. Profitant donc du moment où Richard faisait charger ses bagages, je lui parlai brièvement de la rupture de notre pauvre ami avec M. Jarndyce, et de la folle ardeur avec laquelle il se livrait à ce malheureux procès.

« Vous l’avez trouvé bien changé ? lui dis-je.

— Extrêmement, » répondit-il en secouant la tête.

Je me sentis rougir tout à coup, mais ce fut l’affaire d’un moment.

« Ce n’est pas, continua M. Woodcourt, qu’il soit précisément changé au physique ; mais ses traits ont une expression étrange qu’ils n’avaient pas autrefois ; et je n’ai jamais rencontré, chez un homme de son âge, le regard que je lui trouve aujourd’hui. C’est un mélange d’anxiété fébrile et de découragement qui fait pressentir un désespoir dont le germe existe et peut se développer d’un moment à l’autre.

— Vous ne pensez pas qu’il soit malade ?

— Non ; il a l’air assez robuste de corps.

— Hélas ! je connais trop les motifs qui ébranlent son moral. N’allez-vous pas à Londres, monsieur Woodcourt ?

— Demain matin, miss.

— Richard vous a toujours aimé. Ce dont il a le plus besoin, c’est un ami. Voyez-le quelquefois, je vous en prie ; soutenez-le de vos conseils ; vous ne savez pas quel service vous nous rendrez. Éva, M. Jarndyce et moi-même nous vous en aurons une bien vive reconnaissance.

— Miss Summerson, reprit-il avec plus d’émotion qu’il n’en avait montré jusqu’alors, je vous promets devant Dieu d’être