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d’officiel et qui ne rentre nullement dans mes attributions ; j’ose même dire que je suis personnellement étranger à toute cette affaire, qui ne m’intéresse que comme membre de la société, comme fils et comme père de famille. »

Je ne doutais pas, malheureusement, de la vérité des paroles de l’avoué sur la triste position de Richard ; et, tandis que l’homme de loi, s’approchant du feu, chauffait ses gants funèbres, je proposai tout bas à mon tuteur d’aller trouver notre pauvre ami, afin de voir par moi-même ce qu’il y avait à faire. M. Jarndyce m’objecta d’abord la fatigue du voyage ; mais, comme il ne trouva pas autre chose à m’opposer et que je l’assurai, au contraire, du plaisir véritable que j’aurais à remplir cette petite mission, il répondit à M. Vholes que je verrais M. Carstone, dont nous espérions encore sauver la position.

« Vous devez avoir besoin de prendre quelque chose ? ajouta mon tuteur. Veuillez me permettre, monsieur, de vous faire servir une légère collation.

— Merci mille fois, dit l’avoué en arrêtant le bras que M. Jarndyce étendait vers la sonnette : je ne prendrai rien, pas même un verre d’eau ; j’ai l’estomac fort délabré, et je suis en général un bien triste convive. S’il me fallait manger actuellement, je ne sais pas quelle en serait la conséquence ; et maintenant que je vous ai dit avec franchise ce que j’avais à vous communiquer, je vous demanderai, monsieur, la permission de me retirer.

— Plût au ciel, répondit M. Jarndyce avec amertume, qu’il nous fût permis à tous de nous retirer aussi facilement du malheureux procès où nous sommes engagés ! »

M. Vholes, dont les vêtements noirs fumaient devant le feu en répandant une odeur peu agréable, inclina légèrement la tête.

« Nous autres, monsieur, dit-il, qui n’avons pour toute ambition que de laisser une réputation intacte, nous faisons des efforts incessants pour le triomphe des intérêts que l’on nous confie ; du moins, c’est ainsi que j’ai toujours fait pour ma part, et je veux croire que tous mes collègues n’agissent pas autrement. Vous comprenez, miss Summerson, qu’il ne faudrait pas parler de moi dans l’entretien que vous aurez avec M. Carstone.

— Je vous promets de l’éviter, monsieur, lui répondis-je.

— Je vous en serai fort obligé. Adieu, miss ; adieu, monsieur. »

L’avoué toucha la main de mon tuteur et la mienne de son gant noir, qui ne semblait contenir que les maigres doigts d’un squelette, et emporta son ombre au dehors. Je me la figurai tra-