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— Quel projet, tuteur ?

— J’aurais quelque difficulté à vous le dire de vive voix ; et, comme il a besoin d’être exposé nettement, besoin surtout d’être bien compris, je vous l’écrirai, si vous voulez le permettre.

— Comme vous voudrez, tuteur ; j’accepterai toujours avec joie tout ce que vous me proposerez.

— Voyons, me dit-il avec son joyeux sourire, suis-je en ce moment comme vous m’avez toujours vu ? Aussi ouvert, aussi brave homme que j’ai l’habitude de l’être ?

— Absolument, répondis-je ; car le premier moment d’hésitation passé, il avait retrouvé toute sa franchise et sa cordialité.

— Je n’ai pas l’air de dissimuler quelque chose, de ne pas dire tout ce que je pense, de…

— Pas le moins du monde, cher tuteur.

— Et vous auriez dans mes paroles une confiance pleine et entière ?

— Absolue, m’écriai-je.

— Donnez-moi la main, chère enfant, dit-il en me regardant avec cette bonté qui avait fait ma maison de la sienne dès l’instant où j’y étais entrée.

— Vous m’avez énormément changé depuis ce jour d’hiver où je vous ai trouvée dans la diligence, reprit-il ; et quel bien, depuis lors, ne m’avez-vous pas fait ?

— C’est moi qui vous dois tout, cher tuteur.

— Ne parlons pas de cela, mon enfant.

— Je ne l’oublierai jamais, tuteur.

— Il le faut cependant, reprit-il avec une douce gravité. Oubliez ce que j’ai pu faire et ne vous rappelez qu’une chose, c’est que rien ne pourra me changer à votre égard. En êtes-vous bien convaincue, Esther ?

— Oh ! oui, tuteur.

— C’est beaucoup. C’est même tout ce que je désire ; mais je ne veux pas vous prendre au mot. Pensez à ce que je vous demande ; et si, après y avoir réfléchi, vous êtes bien sûre que rien ne saurait altérer mes sentiments à votre égard, envoyez Charley, d’aujourd’hui en huit, prendre la lettre dont je vous ai parlé ; mais surtout ne l’envoyez pas si vous avez le moindre doute. »

Il me serra la main ; nous nous séparâmes ; et la semaine s’écoula sans qu’il y eût entre nous la moindre allusion à ces paroles. Le soir du huitième jour, aussitôt que je fus seule, je dis à Charley d’aller frapper à la porte de M. Jarndyce et de lui demander de ma part la lettre qu’il avait écrite. Elle monta quel-