tai donc ma chambre après avoir dit bonsoir à Éva, et j’allai rejoindre M. Jardnyce dans la bibliothèque où il passait une heure ou deux à lire avant de se mettre au lit.
« Puis-je entrer ? lui dis-je.
— Certainement, petite femme. Qu’y a-t-il pour votre service ?
— Je voudrais bien vous parler de quelque chose qui me concerne.
— Vous savez alors, chère enfant, avec quel intérêt vous allez être écoutée.
— Je n’en doute pas, et j’ai tant besoin de vos conseils, cher tuteur, surtout depuis la visite que vous avez reçue aujourd’hui.
— Celle de sir Leicester ?
— Oui, tuteur. »
Il croisa les bras, et me regardant avec surprise :
« Je n’aurais jamais cru, dit-il en souriant, que vous eussiez le moindre rapport avec le baronnet.
— Moi aussi, je vous assure ; j’étais loin de m’en douter il y a peu de temps encore. »
M. Jarndyce se leva pour aller voir si j’avais fermé la porte, et vint se rasseoir en face de moi.
« Vous souvenez-vous, tuteur, du jour où nous fûmes surprises par l’orage dans le parc de Chesney-Wold, et où lady Dedlock vous a parlé de sa sœur ?
— Parfaitement.
— Elle vous rappela combien elles avaient toujours différé de caractère, et vous dit, n’est-ce pas, qu’elles avaient même fini par se séparer complétement ?
— C’est vrai.
— Pourquoi se sont-elles quittées, cher tuteur ?
— Je n’en sais rien, mon enfant ; elles seules peut-être pourraient vous l’apprendre ; qui jamais a pénétré les secrets de ces deux femmes ? Vous connaissez lady Dedlock ; si vous aviez pu voir sa sœur…
— Oh ! je l’ai vue bien des fois.
— Vous, Esther ?… »
Il se mordit les lèvres et s’arrêta un instant.
« Lorsque vous m’avez demandé si Boythorn avait été marié, poursuivit-il, et que je vous répondis qu’il avait perdu sa fiancée, morte pour lui comme pour le monde, saviez-vous quelle était la femme dont je parlais ?
— Non, répondis-je tout effrayée de ce qu’il me faisait entrevoir.
— C’était la sœur de milady, répliqua M. Jarndyce.