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et moi, en causant avec elle pendant que M. Skimpole, qui avait formé le projet de revenir à Bleak-House avec nous, était allé faire ses préparatifs de départ.

« Vous prendrez bien soin de votre maman, dit-il à ses filles lorsqu’il rentra quelques instants après ; elle est très-souffrante aujourd’hui ; quant à moi, je vais passer deux ou trois jours avec Jarndyce, pour entendre chanter les alouettes et conserver ma belle humeur ; vous savez à quelle épreuve elle serait soumise si je ne m’en allais pas.

— Je crois bien, dit l’une des filles.

— Un si vilain homme ! ajouta Laura, venir faire de pareilles scènes, tandis que le ciel est si pur.

— Et l’air si parfumé, poursuivit Aréthuse.

— Un malotru, nous dit M. Skimpole, une espèce de hérisson qui est boulanger dans le voisinage, et à qui j’ai emprunté une couple de fauteuils dont je me trouvais avoir besoin ; il nous les prête ; c’est à merveille ; un beau jour, il les redemande, on les lui rend ; vous croyez qu’il est content ? pas du tout, il répond qu’ils sont usés ; est-il possible, lui dis-je, qu’à votre âge vous ne sachiez pas que les fauteuils sont faits pour servir, et qu’on ne les emprunte que pour s’asseoir dessus ? Mais c’est un être déraisonnable qui, au lieu de me répondre, s’est livré à des excès de langage tout à fait inconvenants. J’essayai alors, non plus de le persuader, mais au moins de le faire partir ; il fait un temps délicieux, repris-je quand il fut un peu plus calme, l’air est embaumé, le ciel est sans nuage ; quelles que soient nos aptitudes, nous sommes tous les enfants de la nature, et je vous supplie, au nom de cette fraternité qui nous unit, de ne pas interposer plus longtemps entre les fleurs et moi le tableau ridicule d’un boulanger furieux ; il n’en persista pas moins à se placer devant mon soleil, en me menaçant de revenir, et c’est pourquoi je suis enchanté d’esquiver sa visite en allant jouir de la campagne avec ce cher Jarndyce. »

Quant aux ennuis que sa femme et ses enfants pourraient éprouver de la part du boulanger, il n’y pensa pas une seconde ; et disant au revoir à sa famille avec une tendresse pleine de charme, il nous suivit, complètement libre de toute inquiétude ; et fit preuve de tant de verve et d’esprit pendant tout le voyage, qu’Éva et moi nous en fûmes émerveillées, et que le vent d’est, qui tourmentait mon tuteur quand nous quittâmes Somers-Town, avait tourné franchement au sud avant que nous eussions fait deux milles.

À peine arrivé à Bleak-House, M. Skimpole, qui aimait à