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Il le penserait bien davantage, s’il la voyait parcourir toutes les pièces de son appartement, les cheveux épars, les mains jointes et crispées derrière la tête, et la figure bouleversée par la douleur ; surtout, s’il pouvait savoir qu’elle marchera ainsi jusqu’au matin sans interruption et sans fatigue, suivie du pas fidèle qui retentit sur le promenoir du Revenant ; mais il ferme sa fenêtre, tire les rideaux et s’endort ; et à la lueur blafarde qui remplace les étoiles et pénètre dans sa chambre, il paraît assez vieux pour que le fossoyeur averti, prenne sa bêche et vienne creuser sa tombe.

Cette lueur blafarde qui l’éclaire, s’insinue dans le manoir où chacun rêve encore ; où sir Dedlock, dans un accès de majestueuse condescendance, est en train de pardonner au pays repentant, et les cousins, d’entrer dans les emplois publics, principalement dans ceux où l’on palpe de gros émoluments ; où la chaste Volumnia apporte un domaine de cinquante et quelques mille livres à un affreux général dont les fausses dents ressemblent à des touches de piano, et qui fait depuis longtemps l’admiration de Bath et la terreur des autres rendez-vous de plaisir ; où, dans les mansardes, dans les écuries et la basse-cour, l’ambition, plus modeste, rêve de bonheur dans une loge de garde-chasse, ou dans les liens du mariage avec John ou Betty ; le soleil brille et tout s’éveille : les John, les Betty, les vapeurs matinales, les feuilles et les fleurs, les oiseaux et les insectes, les jardiniers, l’herbe des bois, le velours des pelouses et la flamme du foyer de la cuisine, dont la fumée s’élève et tourbillonne dans l’air ; enfin le pavillon se déploie sur la tourelle où repose M. Tulkinghorn, et proclame gaiement au loin que sir Leicester et lady Dedlock sont au château, et qu’on trouvera l’hospitalité dans cette heureuse demeure.


CHAPITRE XII.

Chez M. Tulkinghorn.

L’avoué se dérobe aux verdoyantes ondulations des grands chênes pour aller retrouver la chaleur nauséabonde et la poussière de Lincoln’s Inn ; le moyen qu’il emploie pour aller et venir de chez lui au manoir du baronnet, et réciproquement, est l’un des