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sous un patronage qui, à ses yeux, devenait une souillure, et il l’arracha brutalement du château de la grande dame, sans comprendre l’honneur qu’on avait daigné lui faire, absolument comme si cette lady avait été la dernière des bourgeoises. Telle est l’histoire qui m’a été racontée, et j’espère que lady Dedlock voudra bien me pardonner ce qu’il y a de pénible dans ce triste récit. »

Diverses opinions s’élèvent contre celle de Volumnia, qui n’admet pas qu’une grande dame ait pu mener une pareille conduite, et récuse le fait comme impossible. La majorité pense que cela ne regardait pas le maître de forges, et envoie au diable le compatriote de M. Rouncewell. Quant au baronnet, il se rappelle Wat Tyler, et prévoit une série de cataclysmes qui sont dans le programme de sa politique.

Du reste, la conversation est languissante. Depuis longtemps on se couche fort tard à Chesney-Wold ; c’est la première fois que l’on y passe la soirée en famille, et chacun éprouve le besoin de se reposer. Sir Dedlock prie M. Tulkinghorn de sonner pour qu’on apporte les bougies. Un flot de lumière pénètre dans la pièce. Milady quitte la fenêtre et s’approche de la table, pour y prendre un verre d’eau ; une nuée de cousins, clignant des yeux comme les chauves-souris aveuglées par le jour, se précipitent vers le plateau, pour servir milady, qui, l’instant d’après, gracieuse et calme, traverse lentement le grand salon et se retire après avoir passé auprès de Volumnia, qui est loin de gagner à la comparaison.


CHAPITRE XI.

Dans la chambre de M. Tulkinghorn.

M. Tulkinghorn remonte dans sa chambre un peu fatigué de la route qu’il a faite, bien qu’il ait voyagé commodément et sans précipitation ; il y a sur son visage une certaine expression de joie intérieure, comme s’il venait d’accomplir quelque tâche difficile. On ne peut pas dire qu’il triomphe ; ce serait lui faire injure, autant que de le supposer ému d’amour ou coupable d’une tendresse quelconque ; mais enfin il est satisfait. Peut-être même se sent-il grandi en force et en puissance, à voir avec quelle vigueur, les bras derrière le dos, il saisit d’une main son poignet