Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le jeune Coodle et le jeune Doodle, actuellement en jaquette, eussent terminé leur croissance.

Par bonheur, avons-nous dit, lord Coodle a préservé son pays de cette effroyable calamité, en découvrant fort à propos que, si, dans la chaleur du débat, il lui était arrivé de dire qu’il méprisait l’ignoble carrière de sir Thomas Doodle, il avait simplement voulu exprimer par là que jamais l’esprit de parti ne l’empêcherait de payer à son adversaire le tribut de son admiration ; tandis que, de son côté, sir Thomas Doodle reconnaissait avoir toujours été convaincu, in petto, que lord Coodle passerait aux yeux de la postérité pour un modèle d’honneur et de vertu.

Toujours est-il que la Grande-Bretagne est restée un mois entier sans pilote pour affronter l’orage, comme l’a judicieusement fait observer sir Leicester Dedlock ; et ce qu’il y a de plus merveilleux dans cette affaire, c’est que la nation n’a pas paru s’inquiéter de ce désastreux état de choses, continuant de boire, de manger et de se marier comme elle faisait auparavant ; mais Coodle, Doodle et toute leur suite ont clairement vu le péril et en ont été si frappés, qu’à la fin sir Thomas Doodle non-seulement a bien voulu consentir à faire partie du ministère, mais encore a mis le comble à son dévouement en y faisant entrer avec lui tous ses neveux, ses cousins et ses beaux-frères ; il y a donc lieu d’espérer que le vaisseau dominera la tempête. Ce n’est pas tout : pour compléter son œuvre, Doodle, ayant pensé qu’il devait obtenir les suffrages de ses compatriotes, se présente, sous la forme d’une pluie d’or et de bière, aux électeurs de maints comtés ; et, pendant que la Grande-Bretagne empoche et avale Doodle sous les deux espèces, en jurant avec rage au nom de son honneur et de sa moralité qu’elle ne fait ni l’un ni l’autre, la saison de Londres se termine brusquement, afin de permettre aux Doodlistes d’aller assister la nation dans ces pieux exercices.

Il en résulte que mistress Rouncewell, la femme de charge de Chesney-Wold, prévoit que sir Leicester ne tardera pas à venir au château accompagné d’une foule de parents et d’amis, de tous ceux qui, d’une façon ou de l’autre, peuvent concourir au grand œuvre constitutionnel ; et que cette vénérable dame, prenant l’occasion par son toupet mythologique, lui fait monter et descendre tous les escaliers, traverser les galeries, passer dans toutes les chambres, pour la prendre à témoin que les parquets sont brillants, les tapis et les rideaux posés, les lits préparés, la cuisine et l’office nettoyés ; qu’enfin tout est prêt pour recevoir les Dedlock.