— Je n’en doute pas, répond M. Tulkinghorn avec calme ; je vois par ces portraits, ajoute-t-il en s’adressant à M. Weevle, que vous portez un vif intérêt aux personnages du grand monde ; c’est une vertu commune à presque tous les Anglais ; quel est celui-ci ? ah ! lady Dedlock ; très-ressemblant, mais pas assez de fermeté dans la physionomie ; bonjour, messieurs, bonjour ! »
Dès qu’il est sorti de la chambre, M. Guppy se hâte d’enfermer le portrait de milady avec les autres, et d’une voix haletante :
« Dépêchons-nous d’en finir, dit-il à son compagnon tout surpris ; hâtons-nous de quitter ces lieux. C’est en vain, Tony, que j’essayerais de vous cacher plus longtemps qu’il existe entre moi et l’une de ces nobles beautés dont je viens de tenir le portrait, des relations qui n’avaient pas encore été divulguées ; il aurait pu se faire qu’à une autre époque, je vous eusse confié la nature de ces relations, Tony ; mais désormais je n’en parlerai à personne ; j’ai fait serment d’ensevelir dans un profond oubli tout ce qui a rapport à l’idole brisée dont l’image fut autrefois dans mon cœur ; et je vous somme, au nom de l’amitié qui nous unit, et du profond intérêt que vous portez à l’aristocratie, de ne pas me faire de questions, et d’oublier vous-même cette confidence avec tous les faits qui s’y rattachent. »
M. Guppy est dans un état d’exaltation oratoire qui touche à la démence, et qui produit sur M. Weevle, complétement ébloui, une impression dont se ressentent ses longs cheveux, et même ses favoris d’une culture si soignée.
CHAPITRE X.
Affaires publiques et privées.
L’Angleterre a été dans une situation affreuse pendant plusieurs semaines ; lord Coodle voulait sortir du ministère ; sir Thomas Doodle refusait d’y entrer ; et comme il n’existe dans toute la Grande-Bretagne que ces deux hommes d’État, l’Angleterre n’a pas eu de gouvernement pendant plusieurs semaines. Heureusement que la rencontre, qui devait avoir lieu entre ces deux grands hommes, a pu être évitée ; car si, les deux pistolets ayant porté, Coodle et Doodle s’étaient tués réciproquement, il aurait fallu que l’Angleterre attendît, pour être gouvernée, que