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— Faire comme vous, en un mot, n’est-ce pas ? réplique Richard en s’asseyant avec un rire amer et en battant du pied la marche du diable.

— Monsieur, poursuit le procureur de sa voix caverneuse, je n’ai pas la prétention de me proposer pour modèle. Mon seul désir est de laisser à mes trois filles un nom irréprochable. Quant à moi personnellement, je me suis toujours oublié ; mais puisque vous m’attaquez directement, j’avoue que je souhaiterais pouvoir vous communiquer un peu de… ce que probablement vous appelez de l’insensibilité, monsieur Carstone ; eh bien, oui ! de mon insensibilité.

— Je n’ai jamais dit que vous fussiez insensible, monsieur Vholes, répond Richard un peu confus.

— Pardon, je croyais que c’était là ce que vous vouliez dire, continue le procureur avec la même égalité d’âme. Mon devoir m’impose de veiller à vos intérêts avec tout le sang-froid qu’exigent les affaires, et je comprends que ce calme indispensable vous paraisse de l’insensibilité ; mes filles et mon vieux père savent me rendre plus de justice ; mais ils me connaissent davantage, et l’affection est confiante. Non pas que je me plaigne de la défiance naturelle au client, je m’en félicite, au contraire. Je désire que vous examiniez tous mes actes, que vous les contrôliez comme bon vous semble ; c’est un droit que je me plais à vous reconnaître, et j’irai toujours au-devant des questions que vous voudrez bien m’adresser ; mais vos intérêts exigent, monsieur Carstone, que j’aie la tête froide et l’esprit méthodique, et je ne changerai pas, même pour vous être agréable. »

M. Vholes, après avoir jeté un coup d’œil au chat de l’étude, qui guette une souris, fixe de nouveau son regard sur le jeune homme, et continue à parler de cette voix presque inintelligible qui s’échappe à regret de son habit boutonné, comme si l’esprit impur dont il paraît être possédé craignait de se faire entendre.

« Vous me demandez comment vous passerez les vacances, poursuit-il ; je croyais qu’un jeune et bel officier comme vous trouvait toujours le moyen de s’amuser lorsqu’il le désirait. Ah ! si vous m’interrogiez sur l’emploi que je ferai de ces quatre mois de repos, il me serait plus facile de vous répondre, monsieur Carstone. Je m’occuperai de vos affaires ; c’est mon devoir, et je ne connais rien qui puisse m’en détourner. Si, pendant ce temps-là, vous désirez me consulter, c’est ici que vous me trouverez, surveillant vos intérêts comme toujours. Mes collègues s’en vont tous : moi, je reste ; non pas que je les blâme de partir ; je