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rons par maisonnées dans Tom-all-Alone’s ; et si alle n’est pas l’autre, dit-il tout bas à Charley d’une voix râlante, c’est pas non pus l’étrangère ; y en a donc trois, alors ? »

Charley me regarda tout effrayée ; je me sentais moi-même un peu troublée par le regard étincelant que Jo arrêtait sur moi. Cependant à un signe que je lui fis, pour l’engager à venir, il n’hésita plus à nous suivre, paraissant obéir à une certaine influence que j’exerçais sur lui. Nous avions peu de chemin à faire, seulement la colline à monter ; mais je craignis un instant d’avoir besoin d’assistance pour gagner la maison, tant la marche de Jo était incertaine et tremblante. Il ne se plaignait pas néanmoins et paraissait pour lui-même d’une étrange indifférence. Quand nous fûmes arrivés, je le laissai dans l’antichambre, où il se blottit dans l’embrasure d’une fenêtre, regardant avec insouciance le confort dont il était environné ; et j’entrai dans le salon pour parler à mon tuteur. J’y trouvai M. Skimpole qui était arrivé par la voiture du soir, ainsi qu’il faisait fréquemment sans avertir et sans jamais apporter le moindre bagage, se réservant d’emprunter ce dont il avait besoin.

Ils vinrent immédiatement avec moi pour examiner Jo ; les domestiques entouraient le pauvre malade. Charley était assise auprès de lui sur une banquette, et lui, il était là tout tremblant comme un animal blessé qu’on vient de trouver dans un fossé, sur le grand chemin.

«  Sa maladie me paraît très-grave, dit mon tuteur après lui avoir adressé plusieurs questions ; qu’en pensez-vous, Léonard ?

— Vous feriez bien de le mettre dehors, répondit M. Skimpole.

— Mais vous n’y songez pas ! répliqua mon tuteur d’un ton presque sévère.

— Mon cher Jarndyce, vous savez, je ne suis qu’un enfant, grondez-moi si je le mérite ; mais j’ai toujours eu pour tout cela une répugnance que je n’ai jamais pu vaincre alors même que j’exerçais la médecine ; vous le trouvez fort malade, vous venez de le dire, et j’ajouterai que c’est une fort mauvaise maladie. »

M. Skimpole était rentré dans le salon, où il nous parlait ainsi avec son aisance habituelle :

«  C’est un enfantillage, direz-vous, poursuivit-il en nous regardant avec gaieté ; je ne dis pas non, mais je ne suis qu’un enfant et n’ai pas la prétention qu’on me prenne pour autre chose. Si vous le mettez à la porte, vous ne ferez que le replacer où il était avant ; il n’y sera pas plus mal qu’il n’y était tout à l’heure. Faites plus si vous voulez, donnez-lui six pence, quatre