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Nous rentrâmes ; Éva, pauvre ange, me dit alors, que ruiné, seul et maudit, Richard aurait plus que jamais besoin d’amour, et qu’il trouverait un cœur fidèle, qui l’aimerait d’autant plus qu’il souffrirait davantage ; que dût-il ne plus songer à elle au milieu de ses erreurs, elle se souviendrait de lui sans cesse, et qu’elle ne demandait rien en ce monde que de lui consacrer toute sa vie et de se dévouer à son bonheur.


CHAPITRE VIII.

Lutte intérieure.

Nous arrivâmes à Bleak-House le jour que nous avions fixé ; nous y fûmes accueillis de la manière la plus touchante. J’avais recouvré mes forces ; et quand je repris mes clefs qui tintèrent joyeusement comme le carillon de Noël, je m’écriai en moi-même : « À ton devoir, Esther, à ton devoir ! si tu ne le remplis pas gaiement et avec bonheur jusqu’au bout, je ne t’en dis pas davantage ; mais penses-y bien, Esther ! »

J’eus d’abord tant de choses à faire pendant les premiers jours ; tant de comptes à régler, d’armoires à ouvrir et à fermer, qu’il ne me resta pas un seul moment de loisir ; mais lorsque j’eus remis tout en ordre, je résolus d’aller passer une après-midi à Londres pour exécuter un projet qui m’avait été inspiré par la lettre de ma mère. Le désir de faire une visite à Caroline Jellyby me servit de prétexte ; et je partis un jour de si bonne heure que j’arrivai dans la matinée à l’académie de Newman-Street. Caroline, que je n’avais pas revue depuis son mariage, fut si contente de me voir et me témoigna tant d’affection, que j’eus peur un instant que son mari n’en fût jaloux ; mais il partageait son indulgence à mon égard, et c’était toujours à qui, par sa bonté, m’enlèverait tout le mérite de ce que j’aurais pu faire de bien.

M. Turveydrop était encore couché à l’heure où j’arrivai ; Caroline lui préparait son chocolat, qu’un pauvre petit garçon, l’apprenti de son mari, attendait pour le monter au gentleman. Elle me dit que son beau-père était charmant pour elle, et qu’ils vivaient fort bien ensemble : c’est-à-dire que M. Turveydrop faisait d’excellents repas et logeait dans une bonne et belle cham-