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l’hôpital et rentrait aussi avancée qu’auparavant ; le matin, on lui avait dit qu’il était trop tôt pour admettre un malade, et, le soir, que l’heure était passée. Celui-ci l’avait adressée à celui-là qui l’avait renvoyée à tel autre d’où il avait fallu qu’elle revînt chez le premier ; ce qui me fît supposer que ces messieurs avaient été choisis pour leur habileté, non pas à remplir leurs devoirs, mais à les éluder. Elle arrivait tout essoufflée, car elle avait couru tout le long du chemin, et s’écria d’un air effaré :

« Jenny, ton maître est sur la route et va bientôt rentrer ; il est suivi du mien qui n’tardera pas non pus ; que le Seigneur ait pitié de ce garçon ; nous ne pouvons rien pour lui. »

Elles rassemblèrent quelques sous à la hâte, les lui mirent dans la main, et Jo sortit de la maison en les remerciant à peine et sans savoir ce qui le faisait partir.

«  Donnez-moi l’enfant, dit la mère à Charley ; merci bien de votre bonté ; bonsoir, Jenny ! Ma jeune dame, si mon maître ne s’en prend pas à moi quand il va être rentré, j’irai regarder dans tous les coins où ce qu’il est possible que ce pauvre gars se soit fourré et je recommencerai demain matin. »

Elle s’enfuit bien vite et l’instant d’après, quand nous passâmes devant sa masure, nous la vîmes sur sa porte, chantant tout bas pour endormir son enfant qui pleurait, et guettant avec inquiétude le retour de son ivrogne. Je n’osais pas m’arrêter dans la crainte de lui attirer quelque reproche ; mais il était impossible d’abandonner le pauvre Jo et de le laisser mourir. J’en parlai à Charley qui connaissait mieux que moi ce qu’on pouvait faire pour lui ; et sa vivacité naturelle égalant sa présence d’esprit, elle eut bientôt retrouvé notre malade à côté du four à briques.

Je pense qu’il avait emporté de Londres un petit paquet de hardes que sans doute on lui avait volé ou qu’il avait perdu, car il n’avait sous le bras que sa misérable casquette et s’en allait tête nue, bien que la pluie eût recommencé et tombât maintenant à verse. Il s’arrêta quand nous l’appelâmes et parut fort effrayé lorsque je m’approchai de lui.

«  Venez avec nous, lui dis-je, nous vous procurerons un logement pour la nuit.

— J’ai pas besoin d’logis, répondit-il ; j’vas me coucher dans le tas de briques chaudes, là-bas.

— Mais vous ne savez donc pas que vous pourriez y mourir ? lui dit Charley.

— On meurt partout, répliqua Jo ; dans une maison tout comme ailleurs ; alle sait ben où, j’y ai montré l’endroit. J’mou-