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pendant avec l’assistance de Hugh il parvint à gagner, en chancelant, la pompe où il se rafraîchit la gorge d’un bon verre d’eau fraîche, et la tête et la figure d’une bonne douche de liquide à la glace, avant de commander un grog au lait et au rhum. Grâce à cet innocent breuvage, accompagné de biscuits et de fromage, il se réconforta l’âme. Cela fait, il se mit à son aise, par terre entre ses deux compagnons, qui ne s’étaient pas épargnés à boire de leur côté et, se mit en devoir d’éclairer M. Dennis sur les détails du projet annoncé pour le lendemain.

Leur conversation fut assez longue et leur attention assez soutenue pour qu’on pût voir l’intérêt manifeste qu’ils prenaient au sujet. Il fallait aussi qu’il ne fût pas toujours d’un caractère bien attristant, où qu’il fût du moins enjolivé par des scènes plaisantes, car ils riaient souvent à gorge déployée, jusqu’à faire sauter Barnabé sous les armes, tout scandalisé de leur légèreté. Cependant ils ne l’invitèrent pas à venir les rejoindre, avant qu’ils eussent bien bu, bien mangé et fait un bon somme pendant plusieurs heures : c’est-à-dire pas avant le crépuscule. Ils l’informèrent alors qu’ils allaient faire une petite démonstration dans les rues, seulement pour tenir les gens en éveil, parce que c’était dimanche soir, et qu’il fallait bien au public un peu de divertissement ; qu’il était libre de les accompagner s’il voulait.

Sans autres préparatifs, si ce n’est qu’ils emportèrent des gourdins et mirent à leur chapeau une cocarde bleue, ils commencèrent à battre les rues ; et, sans autre dessein prémedité que de faire tout le mal qu’ils pourraient, ils les parcoururent au hasard. Bientôt leur nombre s’étant accru, ils se divisèrent en deux bandes, et, après s’être donné rendez-vous dans les champs voisins de Welbeck-Street, ils traversèrent la ville dans toutes les directions. Le corps le plus considérable, celui qui s’augmenta avec la plus grande rapidité, était celui dont Hugh et Barnabé faisaient partie. Celui-là prit son chemin du côte de Moorfield, où il y avait une riche chapelle à l’usage de quelques familles catholiques bien connues qui habitaient dans le voisinage.

Pour commencer, ils s’attaquèrent aux résidences de ces familles, dont ils brisèrent les portes et les fenêtres. Ils détruisirent le mobilier, ne laissant que les quatre murs, em-