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fication ; et, à partir de ce moment, il changea de ton avec Barnabé. Hugh, mettant son doigt à son nez pour lui recommander d’être discret, retourna prendre sa première place, et ils avancèrent en silence.

Il était de deux à trois heures de l’après-midi quand les trois grandes divisions se trouvèrent réunies à Westminster, et, formant une masse formidable, poussèrent ensemble un hourra terrible. Ce n’était pas seulement pour annoncer leur présence, c’était surtout un signal, pour ceux qui étaient chargés de ce soin, qu’il était temps de prendre possession des corridors des deux chambres, de tous les accès qui y aboutissaient, ainsi que des escaliers de la galerie. Ce fut aux escaliers que Dennis et Hugh, toujours avec leur disciple au milieu d’eux, se précipitèrent tout droit, Barnabé ayant remis son drapeau à un de leurs camarades, chargé de garder ce dépôt à la porte. Pressés par derrière par ceux qui les suivaient, ils se trouvèrent emportés comme une vague jusqu’à la porte même de la galerie, d’où il était impossible de revenir sur ses pas, quand on en aurait eu envie, à raison de la multitude qui obstruait les passages. On dit souvent par une expression familière, en parlant d’une grande foule, qu’on aurait pu marcher dessus, tant elle était serrée. C’est justement ce qui se fit : car un petit garçon qui s’était trouvé, je ne sais comment, dans la bagarre, et qui était en grand danger d’être étouffé, grimpa sur les épaules d’un homme près de lui, et courut sur les chapeaux et les têtes des gens jusqu’à la rue voisine, traversant dans sa course toute la longueur des deux escaliers et une longue galerie. Au dehors les rangs n’étaient pas moins épais : car un panier jeté dans la foule fut ballotté de tête en tête, d’épaule en épaule, et, tournant comme un toton sur lui-même, disparut au loin, sans être tombé par terre une seule fois.

Dans cette vaste cohue, il y avait bien par-ci par-là quelques honnêtes fanatiques ; mais la plus grande partie se composait de l’écume et du rebut de Londres, de gens tarés, de bandits, encouragés par un mauvais code de lois pénales, par de mauvais règlements dans les prisons, par une organisation de police détestable, si bien que les membres des deux chambres du Parlement qui n’avaient pas eu la pré-