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ment silencieux. Avait-il désappris l’art de soutenir une conversation polie à Newgate, ou bien n’avait-il pas plutôt fait vœu, dans ces temps de trouble, de suspendre, pendant un temps déterminé, l’exercice de ses talents ? on n’a jamais pu le savoir. Ce qu’il y a de certain, c’est que, pendant une année tout entière, il ne fit pas entendre un autre son qu’un grave et majestueux croassement. À l’expiration de ce terme, par une brillante matinée de beau soleil, on l’entendit interpeller les chevaux de l’écurie, au sujet de la Bouilloire, dont il a été si souvent question dans ces pages ; et, avant que le témoin qui l’avait surpris à parler pût courir en porter la nouvelle à la maison, et déclarer, qui plus est, sur sa parole d’honneur la plus solennelle, qu’il l’avait entendu rire aux éclats, l’oiseau s’avança lui-même d’un pas fantastique jusqu’à la porte de la salle à boire, et là il se mit à crier : « Je suis un diable ! je suis un diable, moi ; je suis un diable ! »

Depuis lors, quoiqu’on ait eu des raisons de croire qu’il ne fut pas insensible à la mort de M. Willet Senior, il ne cessa pas de s’exercer et de se perfectionner dans la langue vulgaire ; et, comme ce n’était encore qu’un bébé de corbeau quand Barnabé avait déjà les cheveux gris, il y a gros à parier qu’il parle encore à l’heure qu’il est.

FIN.