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qu’il ne ferait pas ici dans toute sa vie… c’est-à-dire avec un ami, vous comprenez, pour lui donner de bons conseils.

— Vous entendez, mère ? cria Barnabé, se retournant vers elle avec délice. Et puis maintenant venez donc me dire qu’il ne vaut pas seulement la peine qu’on le ramasse, quand même il serait là reluisant à nos pieds ! Et pourquoi donc alors le recherchons-nous tant à présent, que, pour en avoir un peu, nous nous tuons de travail du matin jusqu’au soir ?

— Certainement, dit l’aveugle, certainement…. La veuve, n’avez-vous pas encore votre réponse prête ? Est-ce que, ajouta-t-il tout bas, vous n’êtes pas encore décidée ?

— Je veux vous dire un mot… à part.

— Mettez votre main sur ma manche, dit Stagg se levant de table, et je vous suivrai où vous voudrez. Courage, mon brave Barnabé ! Nous reparlerons de ça. J’ai un caprice pour vous. Attendez-moi là un peu, je vais revenir…. Allons, la veuve ! »

Elle le mena à la porte, puis dans le petit jardin, où ils s’arrêtèrent.

« Il a bien choisi son commissionnaire, dit-elle à demi-voix ; vous êtes bien l’homme qu’il faut pour représenter celui qui vous envoie.

— Je lui dirai cela de votre part, répondit Stagg. Comme il a beaucoup de considération pour vous, l’éloge que vous voulez bien faire de moi ne pourra que me relever dans son estime. Mais il nous faut nos droits, la veuve.

— Des droits ! savez-vous qu’un seul mot de moi… ?

— Pourquoi ne continuez-vous pas ? répliqua l’aveugle avec calme, après un long silence. Est-ce que vous croyez que je ne sais pas bien qu’un mot de vous suffirait pour faire faire à mon ami le dernier pas de danse qu’il pût jamais faire dans ce monde ? Que si, que je le sais bien. Eh bien, après ? ne sais-je pas bien aussi que ce mot-là, vous ne le direz jamais, la veuve ?

— Vous croyez ça ?

— Si je le crois ! j’en suis si sûr que je ne veux pas seulement que nous perdions notre temps à discuter cette question. Je vous répète qu’il nous faut nos droits, ou un dédommagement. Ne vous écartez pas de là, ou je retourne à mon jeune ami, car ce garçon-là m’intéresse, et j’ai envie de le