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Mais la foule avait oublié ces détails, ou, si elle n’en avait pas perdu la mémoire, elle ne s’en souciait guère ; et, pendant qu’une multitude nombreuse se battait et tempêtait pour s’approcher du gibet devant Newgate, afin d’y jeter un dernier coup d’œil avant de s’en séparer, il y en avait une autre qui suivait l’escorte du pauvre Barnabé, pour aller grossir la foule qui l’attendait sur les lieux.


CHAPITRE XXXVI.

Le même jour, et presque à la même heure, M. Willet senior fumait sa pipe sur sa chaise, dans une chambre du Lion-Noir. Quoiqu’on fût en pleine chaleur d’été, M. Willet était assis tout contre le feu. Il était plongé dans une profonde méditation, tout entier à ses propres pensées, auquel cas il ne manquait jamais de se mijoter à l’étuvée, persuadé que ce procédé de cuisson était favorable pour mettre en fusion ses idées, qui, lorsqu’il commençait à mitonner, se mettaient quelquefois à couler assez copieusement pour l’étonner lui-même.

Mille et mille fois déjà, les amis et connaissances de M. Willet, pour le consoler, lui avaient donné l’assurance que, pour se récupérer des pertes et dommages qu’il avait soufferts dans le pillage du Maypole, il pouvait avoir « un recours sur le comté. » Mais comme cette manière de parler avait le malheur de ressembler à cette expression populaire : « avoir recours à la paroisse[1], » M. Willet ne voyait dans ces consolations prétendues qu’un paupérisme déguisé, sur une plus grande échelle peut-être, mais qui n’en était pas moins le signe de sa ruine à un point de vue plus étendu. En conséquence, il n’avait jamais manqué de recevoir ces communications par un mouvement de tête douloureux, ou par de grands yeux hébétés, de sorte qu’on le voyait

  1. Chaque paroisse doit entretenir ses pauvres.