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eut vu celui de son visiteur, et qui reprit tout à fait son sourire avenant. Je crois que nous nous sommes déjà vus quelque part ? ajouta-t-il de son ton séduisant ; mais, réellement, je ne me rappelle plus votre nom.

— Je m’appelle Gabriel Varden.

— Varden ? Ah ! oui, certainement. Varden, reprit sir John en se donnant une tape sur le front. Mon Dieu ! comme ma mémoire devient quinteuse ! Certainement, Varden…. M. le serrurier Varden. Vous avez une charmante femme, monsieur Varden, et une bien belle fille ! Ces dames se portent bien ?

— Oui, monsieur, très-bien : je vous remercie.

— J’en suis charmé. Rappelez-moi à leur souvenir quand vous allez les revoir, et dites-leur que je regrette bien de ne pouvoir être assez heureux pour leur faire moi-même les compliments dont je vous ai chargé pour elles. Eh bien ! demanda-t-il après un moment de silence de l’air le plus mielleux, qu’est-ce que je peur faire pour vous ? Disposez de moi, ne vous gênez pas.

— Je vous remercie, sir John, dit Gabriel avec un peu de fierté ; mais ce n’est pas pour vous demander une faveur que je viens ici, c’est simplement pour une affaire…. particulière, ajouta-t-il en jetant un coup d’œil du côté du domestique, qui restait là à regarder…. une affaire très-pressante.

—Je ne vous dirai pas que votre visite n’en est que plus agréable pour être désintéressée, et que vous n’eussiez pas été également le bienvenu si vous aviez eu à me demander quelque chose, car je me serais estimé heureux de vous rendre service ; mais enfin, soyez le bienvenu dans tous les cas…. Faites-moi le plaisir, Peak, de me verser encore un peu de chocolat, et de ne pas rester là. »

Le domestique se retira et les laissa seuls.

« Sir John, dit Gabriel, je ne suis qu’un ouvrier, et je n’ai jamais été autre chose de ma vie ; si je ne sais pas bien vous préparer à entendre ce que j’ai à vous dire, si je vais tout droit au but, un peu brusquement, si je vous donne un coup qu’un gentleman vous aurait mieux ménagé ou au moins adouci mieux que moi, j’espère que vous me saurez toujours gré de l’intention : car j’ai bien le désir d’y mettre du soin et de la discrétion, et je suis sûr que, de la part d’un homme tout rond comme moi, vous prendrez l’intention pour le fait.