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jusqu’à ce que Barnabé l’eut rattrapé. Alors il se retourna, et lui dit d’une voix terrible, quoique étouffée :

« Laisse-moi aller. Ne me touche pas. Tu l’as dit à ta mère, et vous vous êtes entendus pour me trahir. »

Barnabé le regarda en silence.

« Tu as vu ta mère ?

— Non, cria Barnabé avec ardeur. Oh ! non, il y a bien longtemps…. plus longtemps que je ne puis dire. Il doit bien y avoir un an. Est-ce qu’elle est ici ? »

Son père le regarda fixement quelques instants, puis il lui dit en se rapprochant de lui, car, rien qu’à voir sa figure et à l’entendre parler, il était impossible de douter de sa sincérité :

« Qu’est-ce que c’est que cet homme-là ?

— Hugh…. c’est Hugh. Pas davantage, vous savez bien. Ce n’est pas celui-là qui vous fera du mal. Comment ! vous aviez peur de Hugh ! ha ! ha ! ha ! peur de ce bon gros vieux farceur de Hugh !

— Je vous demande qui il est, reprit l’autre d’un ton si farouche que Barnabé s’arrêta au beau milieu de ses éclats de rire, et recula quelques pas, le regardant d’un air de stupéfaction et de terreur.

— Dieu ! êtes-vous sévère ! vous me faites trembler, comme si vous n’étiez pas mon père. Pourquoi donc me parlez-vous comme cela ?

— Je veux, répondit-il en repoussant la main que son fils, d’un air timide, posait, pour l’apaiser, sur sa manche, je veux une réponse, et au lieu de cela vous me répliquez par des plaisanteries et des questions. Quel est l’homme que vous venez d’amener dans notre cachette, pauvre imbécile ? et où est l’aveugle ?

— Je ne sais pas où il est. Sa maison était fermée. J’ai attendu, sans voir personne venir : ce n’est pas ma faute. Quant à celui-ci, c’est Hugh…. le brave Hugh, qui a enfoncé cette odieuse prison pour nous délivrer. Ah ! dites à présent que vous ne l’aimez pas, hein ? n’est-ce pas que vous l’aimez ?

— Pourquoi est-il couché par terre ?

— Il a fait une chute, et puis il a trop bu. Les champs, les arbres, tout ça tourne, tourne, tourne autour de lui, et