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dans la rue. Il faut nous sauver. Nous ne pouvons plus rien faire, trop heureux si nous pouvons seulement échapper. »

Leur première idée avait été de se glisser comme ils pourraient le long des toits des maisons, et d’aller frapper à la fenêtre de quelque mansarde pour qu’on leur permît de passer par là, et de descendre dans la rue afin de se sauver. Mais un autre cri, plus furieux encore, monta de la populace, dont tous les visages en l’air étaient tournés vers eux, et leur apprit qu’ils étaient découverts, que même on avait reconnu M. Haredale : car Hugh, le voyant en plein, à la lueur du feu qui éclairait ce côté de la maison a giorno, l’appela par son nom, en jurant qu’il voulait avoir sa vie.

« Laissez-moi, dit M. Haredale au négociant, et au nom du ciel, mon bon ami, sauvez-vous…. Viens y donc, marmottait-il entre ses dents en se tournant du côté de Hugh, et en lui faisant face, sans prendre davantage aucun souci de se cacher. Le toit est haut et, si une fois je t’y tiens, je te réponds que nous mourrons ensemble.

— Folie ! dit l’honnête marchand en le tirant par derrière ; folie toute pure ! Entendez raison, monsieur ; mon bon monsieur, entendez raison. Je ne pourrais plus maintenant me faire ouvrir en allant cogner à quelque fenêtre, et, quand je le pourrais, je ne trouverais personne d’assez hardi pour favoriser ma fuite. Traversons les caves ; il y a là sur la rue de derrière une espèce de passage par où nous entrons et sortons les tonneaux. Ne perdez pas un instant : venez avec moi…. pour nous deux…. pour moi… mon cher monsieur. »

Tout en parlant, tout en tirant M. Haredale, il put, comme lui, jeter un coup d’œil sur la rue ; un simple coup d’œil, mais qui suffit pour leur montrer la foule se resserrant et se pressant contre la maison : les uns avec des armes courant au premier rang pour enfoncer les portes et les fenêtres ; les autres apportant des tisons du feu voisin ; d’autres, le nez en l’air, suivant des yeux leur course sur les toits et les montrant à leurs compagnons ; tous, furieux et mugissants, comme les flammes qu’ils avaient allumées. Ils virent des hommes avides des trésors de liqueurs fortes qu’ils savaient entassés là ; ils en virent d’autres, qui avaient été blessés, étendus par terre pour y mourir, dans les allées d’en face, misérables abandonnés, au milieu de ce vaste rassemblement ; ici une femme