Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi un homme de haute taille aller à cheval dans Fleet-Street, faire une collecte pour le même objet : celui-là refusait de recevoir autre chose que des pièces d’or.

Il circulait aussi, dans ce moment, une rumeur qui répandait encore plus de terreur dans toute la ville de Londres que ces intentions même annoncées publiquement d’avance par l’émeute, quoique tout le monde ne doutât pas que la réussite de ces machinations ne dût entraîner une banqueroute nationale et la ruine générale. On disait qu’ils étaient résolus à ouvrir les portes de Bedlam et à lâcher les fous. C’était là ce qui présentait à l’esprit de la population des images si effrayantes, et qui menaçait en effet d’un attentat si fécond en horreurs d’un nouveau genre, dont l’imagination même ne pouvait se rendre compte, qu’il n’y avait pas de perte si importante ni de cruauté si barbare dont on n’eût plus volontiers couru le risque, et que beaucoup d’hommes jouissant de leur bon sens quelques heures auparavant furent sur le point d’en perdre la tête.

C’est ainsi que se passa la journée : les prisonniers déménageaient ; les gens couraient çà et là dans les rues, emportant ailleurs leurs meubles et leurs effets ; des groupes silencieux restaient debout autour des maisons ruinées ; tout commerce était suspendu ; et les soldats, disposés dans l’ordre que nous avons vu, restaient dans une complète inaction. C’est ainsi que se passa la journée, en attendant la nuit qu’on voyait approcher avec terreur.

Enfin, le soir, sur le coup de sept heures, le Conseil privé du roi publia une proclamation solennelle déclarant : qu’il était devenu nécessaire d’employer la force armée ; que les officiers avaient reçu l’ordre le plus direct et le plus formel de faire à l’instant usage de tous les moyens en leur pouvoir pour réprimer les troubles ; que tous les sujets honnêtes de Sa Majesté étaient invités à rester chez eux cette nuit-là, eux, leurs domestiques et leurs apprentis. Puis on distribua aux soldats de service trente-six cartouches par homme ; on battit le tambour, et toute la troupe fut sous les armes au soleil couchant.

Les autorités municipales, stimulées par ces mesures de vigueur, se réunirent en assemblée générale, votèrent des remercîments aux autorités militaires pour le concours qu’elles