Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand la chose est de nature à vous amener à l’endroit où est marquée ma place, voilà ce que j’appelle une disposition d’esprit décente. Prenons donc, s’il vous plaît, une disposition d’esprit décente, je puis même dire honorable, agréable, sociable. Quoi que vous fassiez (et c’est à vous en particulier que je m’adresse, dites donc là-bas, numéro quatre), ne pleurnichez jamais. J’aimerais cent fois mieux, quoique je ne parle pas là dans mon intérêt, voir un homme déchirer exprès ses habits devant moi pour me gâter mes profits, que de le voir pleurnicher. C’est toujours, au bout du compte, une disposition d’esprit bien plus décente. »

Pendant que le bourreau leur tenait ce langage du ton paterne d’un pasteur en conversation familière avec son troupeau, le bruit s’était un peu apaisé, parce que les émeutiers étaient occupés à transporter les prisonniers à Sessions-House, située en dehors des murs d’enceinte de la prison, quoiqu’elle en fût une dépendance, et à les faire passer de là dans la rue. Mais au moment où il en était là de ses admonitions bénévoles, le bruit des voix dans la cour prouva clairement que la populace était revenue de ce côté sur ses pas, et aussitôt après une violente secousse à la grille d’en bas annonça qu’ils voulaient finir par une attaque contre les Cellules : c’était le nom qu’on donnait à cette partie de la prison.

C’est en vain que le bourreau courait de porte en porte, couvrant les guichets l’un après l’autre avec son chapeau, et se consumant en efforts inutiles pour étouffer les cris des quatre prisonniers. C’est en vain qu’il repoussait leurs mains étendues, les frappait de sa canne ou les menaçait d’ajouter par surcroît pour les punir quelque douleur de plus à leur exécution, quand il en serait chargé, et de les faire languir pour la peine, cela ne les empêchait pas de faire retentir la maison de leurs cris. Au contraire, stimulés par l’assurance où ils étaient qu’il n’y avait plus qu’eux maintenant sous les verrous, ils pressaient les assiégeants avec tant d’insistance que ceux-ci, avec une célérité incroyable, forcèrent la forte grille d’en bas, formée de barreaux en fer de deux pouces carrés, renversèrent les deux autres portes, comme si c’eussent été des cloisons de bois blanc, et apparurent au bout de la galerie, séparés seulement des Cellules par un ou deux barreaux.