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vingtaine de prisonniers couraient çà et là, égarés dans la prison comme dans un labyrinthe, tellement effarouchés par le bruit et la lumière, qu’ils ne savaient que faire ni par où aller, criant toujours au secours comme avant, à tue-tête. Quelque malheureux affamé, qui s’était fait arrêter volant un pain ou un morceau de viande, se glissait à la dérobée et les pieds nus… s’échappant lentement, en voyant brûler sa maison, sans en avoir une autre prête à le recevoir, ni des amis prêts à lui tendre les bras, ni quelque ancien asile où chercher un gîte, ni d’autre liberté à recouvrer que la liberté de mourir de faim. Ailleurs, un groupe de voleurs de grandes routes s’en allait en troupe, sous la conduite des amis qu’ils avaient dans la foule, et qui, le long du chemin, leur enveloppaient leurs menottes de mouchoirs ou de cordes de foin pour les cacher, jetaient sur eux des manteaux et des redingotes, leur donnaient à boire, en leur tenant la bouteille contre les lèvres, parce qu’ils n’avaient pas de temps à perdre à briser les fers de leurs mains. Tout cela, Dieu sait avec quel accompagnement de bruit, de précipitation, de confusion ! C’était pis qu’un mauvais rêve, et sans relâche, sans intervalle même d’un seul instant de repos.

Il était encore à regarder ce spectacle du haut de sa fenêtre, quand une bande de gens avec des torches, des échelles, des haches, des armes de toute espèce, s’élança dans la cour et, frappant à la porte à coups de marteau, demanda s’il y avait là dedans un prisonnier. En les voyant venir, il avait quitté la croisée pour se blottir dans le coin le plus reculé de sa cellule ; mais il eut beau ne point leur répondre, comme ils s’étaient mis dans l’idée qu’il y avait quelqu’un, ils dressèrent leurs échelles et commencèrent à arracher les barreaux de sa fenêtre, et, non contents de cela, à faire tomber jusqu’aux pierres de la muraille.

Aussitôt qu’ils eurent fait une brèche assez large pour y passer la tête, l’un d’eux y jeta une torche et regarda tout autour de la chambre. Lui, il suivit le regard de l’inconnu, jusqu’à ce qu’il s’arrêta sur lui, et qu’il l’entendit lui demander pourquoi il n’avait pas répondu ; mais il n’ouvrit pas la bouche.

Dans ce trouble et cette stupéfaction générale, ils n’en furent pas surpris. Sans dire un mot de plus, ils élargirent