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quand il n’en faut que deux comme nous pour lui faire son affaire en deux minutes ? Vous perdez votre temps. Songez aux prisonniers, songez à Barnabé. »

Ceci fut répété partout dans la foule. Les marteaux commencèrent à battre contre les murs ; chacun fit des efforts pour arriver au pied de la prison et prendre place au premier rang. S’ouvrant de force un passage à travers les mutins avec une ardeur aussi désespérée que s’ils étaient au milieu d’ennemis acharnés et non de leurs propres camarades, les deux hommes opérèrent leur retraite avec le serrurier au milieu d’eux, et l’entraînèrent jusqu’au cœur même du rassemblement.

Pendant ce temps-là, les coups commençaient à pleuvoir comme la grêle sur la grande porte et sur le bâtiment, qui ne s’en émouvait guère : car ceux qui ne pouvaient approcher de la porte étaient toujours bien aises de décharger leur rage sur n’importe quoi…. même sur les gros blocs de pierre qui brisaient leurs armes en morceaux dans leurs mains, leur donnant jusque dans les bras des fourmillements douloureux, comme s’ils ne se contentaient pas d’une résistance passive et qu’ils leur rendissent coup pour coup. Le fracas du fer contre le fer se mêlait au tumulte étourdissant qu’il dominait par son bruit éclatant, à mesure que les grands marteaux de forge s’abaissaient sur les clous et les plaques de la porte. C’était une pluie d’étincelles. Les gens travaillaient par bandes et se relayaient à de courts intervalles, pour mettre toute la fraîcheur de leur force au service de cette œuvre de destruction. Mais c’est égal : on voyait toujours debout le grand portail, aussi fier, aussi sombre, aussi fort qu’avant, et, sauf les marques des coups à sa surface, toujours le même.

Pendant qu’il y en avait qui dépensaient toute leur énergie à cette tâche pénible, il y en avait d’autres qui dressaient des échelles contre la prison, et qui essayaient de grimper de là jusqu’au haut des murs, où elles ne pouvaient atteindre parce qu’elles étaient trop courtes. Il y en avait d’autres qui soutenaient un engagement avec une escouade de la police, forte d’une centaine d’hommes, et la faisaient reculer à grands coups, ou l’écrasaient sous leur nombre ; d’autres encore faisaient le siége de la maison sur laquelle s’était montré le gouver-