Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porte, était très-sombre, et, comme le dernier occupant était un déserteur ivre, la place n’était pas propre. Barnabé alla trouver à tâtons un peu de paille au fond, et, regardant du côté de la porte, essaya de s’accoutumer à l’obscurité, ce qui n’était pas facile, en sortant de la clarté d’un beau soleil couchant.

Il y avait au dehors une espèce de portique ou colonnade, qui interceptait encore le peu de jour qui aurait pu à grand’peine faire son chemin par les petites ouvertures pratiquées dans la porte. Les pas cadencés de la sentinelle retentissaient avec un bruit monotone sur la dalle, de long en large, rappelant à Barnabé la garde qu’il avait montée lui-même une heure auparavant ; et, chaque fois que le factionnaire passait et repassait devant la porte, son ombre obscurcissait tellement le caveau que, quand elle disparaissait, il semblait que le jour revenait : c’était comme une nouvelle aurore.

Quand le prisonnier fut resté quelque temps assis sur la paille, à regarder les crevasses de la porte et à écouter les pas éloignés ou rapprochés de la sentinelle, le soldat se tint tranquille en place. Barnabé, qui n’avait pas assez de prévoyance pour réfléchir au sort qu’on pouvait lui réserver, avait été bercé dans une espèce de sommeil enfantin par le pas régulier du factionnaire ; mais, quand l’autre s’arrêta, cela le réveilla, et alors il s’aperçut qu’il y avait deux hommes en conversation sous la colonnade, tout près de la porte de sa cellule.

Il lui était impossible de dire s’il y avait longtemps qu’ils étaient là à causer, car il était tombé dans un état d’apathie où il avait totalement oublié sa position réelle, et, au moment où il entendit les pas du soldat cesser, il était en train de répondre tout haut à une question que lui faisait Hugh dans l’écurie : à quel propos ? sur quel sujet ? qu’allait-il lui répondre ? Quoiqu’il eût encore la réponse sur les lèvres en s’éveillant, il ne se rappelait plus la moindre chose. Les premiers mots qui frappèrent ses oreilles furent ceux-ci :

« Pourquoi donc l’à-t-on amené là, si on devait le reprendre sitôt ?

— Et où vouliez-vous qu’il allât ? Croyez-vous qu’il pût être nulle part aussi en sûreté qu’avec les troupes du roi ? Que vouliez-vous qu’on en fît ? Fallait-il pas le livrer à un tas