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qu’après un même but, sous la double influence d’une ivresse furieuse et de leurs premiers succès, qui ne les enivraient pas moins. L’ordre étant donné de bloquer le château, les uns grimpèrent sur la porte, ou descendirent dans le fossé pour en escalader le revers ; d’autres franchirent le mur de clôture, d’autres renversèrent les barreaux de défense, dont ils se firent à chaque brèche nouvelle des armes meurtrières. Quand le château fut complétement cerné, on envoya un petit nombre d’hommes enfoncer dans le jardin un atelier d’outils, et en attendant leur retour les autres se contentèrent de frapper avec violence aux portes, en appelant les gens qui pouvaient être dans la maison, et les sommant de venir leur ouvrir s’ils voulaient avoir la vie sauve.

Voyant qu’ils ne recevaient aucune réponse à ces sommations, et que le détachement envoyé à la découverte des outils revenait avec un supplément utile de pioches, de bêches, de hoyaux, ils leur ouvrirent un passage, ainsi qu’à ceux qui étaient déjà armés, ou pourvus d’avance de haches, de barres de fer, de pinces ; quand ils eurent percé à travers la foule, ils formèrent le premier rang des assaillants, tout prêts à faire le siége en règle des portes et des fenêtres. Il n’y avait pour le moment parmi eux pas plus d’une douzaine de torches allumées ; mais après tous ces préparatifs on distribua des flambeaux qui passèrent de main en main avec tant de rapidité, qu’en moins d’une minute les deux tiers au moins de toute cette masse tumultueuse portaient des brandons incendiaires. Ils leur firent faire la roue au-dessus de leurs têtes, en poussant de grands cris, et se mirent à travailler les fenêtres et les portes.

Au beau milieu du tapage, pendant qu’on entendait le bruit sourd des coups de pioche, le fracas des vitres cassées, les cris et les jurons de la populace, Hugh et ses amis profitèrent du désordre et du tumulte pour se rendre ensemble à la porte de la tourelle, où M. Haredale l’avait reçu la dernière fois avec John Willet, et c’est contre cette porte qu’ils concentrèrent tous leurs efforts. Une bonne porte, ma foi ! en vieux chêne, bien fort, soutenue derrière par de fameuses gâches et une traverse solide ! Mais, malgré tout, elle ne résista pas longtemps ; on l’entendit craquer et tomber sur l’escalier de derrière, où elle leur servit de plate-forme pour