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BARNABÉ RUDGE

d’une voix faible les mots : « Simmun est sauvé ! » et, cédant à sa nature féminine, elle perdit immédiatement connaissance.

« Je savais que je la fascinerais, dit Sim, un peu embarrassé par cet incident. J’étais sûr, naturellement, que ça finirait comme ça ; mais il n’y avait pas d’autre parti à prendre. Si je ne lui eusse pas lancé mon œillade, elle ne serait pas descendue. Voyons, soutenez-vous une minute, Miggs. Quelle glissante personne que cette fille ! il n’y a pas moyen de la tenir commodément. Soutenez-vous une minute, Miggs, soutenez-vous donc. »

Miggs restant néanmoins sourde à toutes les supplications, M. Tappertit l’appuya contre la muraille, comme on ferait d’une canne ou d’un parapluie, jusqu’à ce qu’il eût bien barricadé la fenêtre. Alors, il la prit de nouveau dans ses bras ; puis, par de petites étapes et avec une grande difficulté qui tenait surtout à ce qu’elle était d’une haute taille, et lui d’une taille exiguë, peut-être aussi à cette particularité dans sa conformation physique qu’il avait déjà qualifiée, il finit par la porter au haut de l’escalier, la planta encore, comme un parapluie ou une canne, juste devant la porte de sa chambre, et la laissa tranquille.

« Libre à lui d’être froid autant qu’il le voudra, dit Miggs, qui revint à elle dès qu’elle se vit seule ; mais je suis dans sa confidence, et il ne peut pas m’en empêcher, non, non, fût-il vingt Simmuns à lui tout seul ! »



CHAPITRE X.

C’était par une de ces matinées si fréquentes au commencement du printemps, lorsque l’année volage et changeante en sa jeunesse, comme toutes les autres créatures de ce monde, est encore incertaine si elle doit reculer jusqu’à l’hiver ou avancer jusqu’à l’été, et, dans son doute, incline tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre, tantôt vers tous les deux à la fois,