Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
BARNABÉ RUDGE

lande, pendant qu’il mange lui-même du chester, monsieur ; et ne le laisse sortir le dimanche qu’une fois par mois.

— Ceci, dit gravement M. Tappertit, est un flagrant délit. Mettez deux croix noires au nom de Curzon.

— Si la société, dit le récipiendaire, qui était un gros lourdaud de mauvaise mine, avec la taille tournée et des yeux renfoncés très voisins l’un de l’autre, si la société voulait réduire sa maison en cendres, car il n’est pas assuré, ou lui donner une raclée le soir quand il revient de son club, ou m’aider à enlever sa fille et à l’épouser dans l’église de Fleet, bon gré mal gré…. »

M. Tappertit agita son terrible bâton de commandement comme pour l’avertir de ne pas interrompre, et il ordonna de mettre trois croix noires au nom de Curzon.

« Ce qui signifie, dit-il en manière de gracieuse explication, vengeance complète et terrible. Apprenti, aimez-vous la Constitution ? »

À cela le récipiendaire, se conformant aux instructions des parrains qui l’assistaient, répliqua : « Oui !

— L’Église, l’État, et toute chose établie, excepté les maîtres ? dit le capitaine.

— Oui ! » dit encore le récipiendaire.

Après quoi, il écouta d’un air docile le capitaine, qui, dans un discours préparé pour des circonstances semblables, lui narra comme quoi, sous cette même constitution (qui était gardée dans un coffre-fort quelque part, mais il ne pouvait dire où), les Apprentis avaient, aux temps passés, eu de droit des vacances fréquentes, qu’ils avaient cassé la tête aux gens par centaines, bravé leurs maîtres, oui-da, et même consommé quelques glorieux meurtres dans les rues, privilèges qu’on leur avait successivement arrachés en restreignant leurs nobles aspirations ; comme quoi les gênes dégradantes qu’on leur avait imposées étaient incontestablement imputables à l’esprit novateur de l’époque, et comme quoi ils s’étaient associés en conséquence pour résister à tout changement autre que ceux qui restaureraient les bonnes vieilles coutumes anglaises sous lesquelles ils voulaient vivre ou mourir. Après avoir mis en lumière ce qu’il y a de sagesse à savoir marcher à reculons, témoins l’écrevisse et cet ingénieux poisson, le crabe, témoin aussi la pratique constante de