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BARNABÉ RUDGE

de sommeil ? Mais, Dieu soit loué ! le sommeil est une bénédiction… il n’y a pas de doute à cela. »

Le serrurier marmotta ces derniers mots pour lui seul.

« C’est bien cruel à vous de nous avoir tenus sur pied si tard dans la nuit, sans seulement nous dire où vous étiez, et sans nous envoyer au moins un petit mot pour nous rassurer, reprit la jeune fille.

— Ah ! Dolly, Dolly ! répliqua le serrurier secouant la tête et souriant, c’est bien cruel à vous d’avoir couru là-haut dans votre chagrin, pour vous mettre au lit ! Descendez déjeuner, petite folle, et bien doucement, ou vous réveilleriez votre mère. Elle doit être fatiguée, j’en suis sûr ; certainement elle doit l’être. »

Gardant pour lui ces derniers mots, et répondant au signe de tête de sa fille, il allait entrer dans sa boutique, la figure encore toute rayonnante du sourire que Dolly y avait éveillé, lorsqu’il put voir, juste au moment même, le bonnet de papier goudronné de son apprenti faire un plongeon afin d’éviter l’œil du maître, et se reculer de la fenêtre, pour retourner en tapinois à sa première place, où il ne fut pas plutôt qu’il se mit à jouer vigoureusement du marteau.

« Encore Simon aux aguets ! se dit Gabriel ; ça ne vaut rien. Que diable croit-il donc que la petite va dire ? Toujours je le surprends à écouter lorsqu’elle parle, jamais à un autre moment. Mauvaise habitude, Sim, que de se cacher comme ça pour faire ses coups à la sourdine. Ah ! vous avez beau jouer du marteau, vous ne m’ôterez pas cela de l’idée, quand vous y travailleriez toute votre vie. »

En se parlant ainsi à lui-même et secouant la tête d’un air grave, il rentra dans l’atelier et toisa l’objet de ces remarques.

« En voilà assez pour l’instant, dit le serrurier. Il est inutile de continuer ce bruit infernal. Le déjeuner est prêt.

— Monsieur, dit Sim en levant les yeux sur son maître avec une politesse étonnante et un petit salut à lui qui s’arrêtait net au cou, je suis à vous immédiatement.

— Je suppose, marmotta Gabriel, que c’est une phrase de « la Guirlande de l’Apprenti, » ou des « Délices de l’Apprenti, » ou du « Chansonnier de l’Apprenti, » ou du « Guide de l’Apprenti à la Potence, » ou de quelque autre livre in-