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quelque chose d’extraordinaire à la façon dont c’était enveloppé, je l’apportai ici.

— Et ne pouviez-vous demander à tout autre que moi de vous la lire, ours mal léché ? dit sir John.

— Je n’avais personne à qui confier un secret, maître. Depuis que Barnabé Rudge a disparu pour tout de bon, et il y a cinq ans de cela, je n’ai causé qu’avec vous seul.

— Vous m’avez fait un grand honneur, certainement.

— Mes allées et venues, maître, pendant tout ce temps, lorsqu’il y avait quelque chose à vous dire, se sont répétées, parce que je savais que vous seriez en colère contre moi si je restais à l’écart, dit Hugh, lâchant ses paroles à l’étourdie, après un silence plein d’embarras, et parce que je désirais faire mon possible pour vous plaire, afin de ne pas vous avoir contre moi. Voilà ! c’est la vraie raison pour laquelle je suis venu cette nuit. Vous le savez bien, maître ; j’en suis sûr.

— Vous êtes un finaud, répliqua sir John en fixant sur lui ses yeux, et vous avez deux faces sous votre capuchon, tout aussi bien que les plus rusés. Ne m’avez-vous pas donné, ce soir, dans cette chambre, un tout autre motif ? ne m’avez-vous pas dit que vous en vouliez à quelqu’un qui vous a témoigné du mépris dernièrement, et qui, en toute circonstance, vous a malmené ; qui vous a traité plutôt comme un chien que comme un homme, son semblable ?

— Bien sûr, je vous ai donné ce motif ! cria Hugh en s’emportant, ainsi que l’autre l’avait prévu ; je vous l’ai dit, et je vous le répète, je ferai n’importe quoi pour tirer vengeance de lui ; n’importe quoi. Et quand vous m’avez dit que lui et les catholiques souffriraient de la part de ceux qui se sont réunis sous cette affiche, je vous ai déclaré que je voulais être l’un d’eux, leur chef fût-il le diable en personne. Eh bien ! je suis l’un d’eux, à présent. Voyez si je suis homme de parole, et si on peut compter sur moi. Il est possible que je n’aie pas beaucoup de tête, maître, mais j’ai assez de tête pour me souvenir de ceux qui ont des torts avec moi. Vous verrez, il verra, et cent autres verront si j’en rabattrai rien quand le moment sera venu. Ce n’est rien de m’entendre, il faut me voir mordre. J’en connais d’aucuns pour qui il vau-