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rumeurs au sujet d’une confédération des puissances papistes pour dégrader et asservir l’Angleterre, établir une inquisition à Londres, et convertir les barrières du marché de Smithfield en bûchers et en chaudières ; lorsque des terreurs et des alarmes que personne ne comprenait furent répandues, à l’intérieur ainsi qu’à l’extérieur du parlement, par un enthousiaste qui ne les comprenait pas lui-même ; lorsqu’enfin d’antiques fantômes, qui avaient été couchés tranquillement depuis des siècles dans leurs tombeaux, furent évoqués pour obséder les gens ignorants et crédules ; lorsque tout cela se fut machiné, en quelque sorte, dans les ténèbres, que des invitations secrètes de se joindre à la grande Association protestante pour la défense de la religion, de la vie et de la liberté, furent semées sur la voie publique, jetées sous les portes des maisons, glissées à l’intérieur des appartements par les fenêtres, fourrées dans les mains des passants, la nuit ; lorsqu’elles étincelèrent à chaque muraille, et brillèrent sur chaque poteau, sur chaque pilier, au point que le bois et les pierres paraissaient infectés de la fièvre commune, excitant tous les hommes à se réunir en aveugles pour résister sans savoir à quoi, sans savoir pourquoi : alors la folie se propagea sans obstacles, et bientôt, croissant de jour en jour, l’association présenta une force de quarante mille membres.

Du moins c’est le chiffre déclaré au mois de mars 1780 par lord Georges Gordon, son président ; qu’il fût exact ou non, peu de gens le surent ou se soucièrent de s’en assurer. Elle n’avait jamais fait de démonstration publique, on ne l’avait jamais vue, il y avait même encore des personnes qui ne voulaient y voir qu’une pure création de son cerveau détraqué. Il était habitué à parler longuement à des multitudes, stimulé, à ce qu’on pouvait croire, par certains troubles qui avaient réussi en Écosse l’année précédente sur le même sujet.

Membre de la chambre des Communes, on le regardait comme un cerveau brûlé qui attaquait tous les partis, sans être d’aucun, et ne jouissait pas d’une grande considération. On savait qu’un certain mécontentement régnait au dehors ; il y en a toujours. Lord Georges Gordon s’était fait une habitude àe s’adresser au peuple par des placards, des discours, des