Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thies, leurs affections, leur confiance… toutes les qualités qui, dans les esprits mieux constitués, sont des vertus, dégénèrent en défauts, s’ils ne deviennent pas des vices complets.

Gashford, en dirigeant vers le lit plus d’un regard rusé, resta assis à ricaner de la folie de son maître, jusqu’à ce qu’une profonde et lourde respiration l’eût averti qu’il pouvait se retirer. Fermant son pupitre, et le replaçant dans la malle (mais non pas sans avoir pris d’un compartiment secret deux imprimés), il se retira avec précaution. Comme il s’en allait, il regarda en arrière pour considérer la figure de son maître endormi. Au-dessus de la tête de lord Georges, les panaches poudreux qui couronnaient la royale couche du Maypole s’agitaient d’un air triste et lugubre comme sur une bière.

S’arrêtant sur l’escalier pour écouter si tout était tranquille, et pour retirer ses souliers de peur que ses pas n’alarmassent près de là quelque dormeur qui aurait le sommeil léger, il descendit au rez-de-chaussée, et jeta un de ses imprimés sous la grande porte de la maison ; cela fait, il se coula doucement, revint à sa chambre, et de la fenêtre laissa tomber dans la cour l’autre imprimé, soigneusement roulé autour d’une pierre, pour que le vent ne l’emportât pas.

Ces proclamations avaient au dos la suscription suivante : « À tout protestant aux mains duquel ceci tombera, » et à l’intérieur :

« Hommes et frères, quiconque trouvera cette lettre doit la regarder comme un avertissement d’aller rejoindre sans délai les amis de lord Georges Gordon. De grands événements se préparent, et les temps sont pleins de péril et de trouble. Lisez cet avis avec soin, tenez-le propre, et faites-le circuler. Pour le roi et le pays, union. »

« Semons encore, semons toujours, dit Gashford en fermant la fenêtre ; quand viendra la moisson ? »