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lui son regard étonné pendant un moment, comme s’il eût tout à fait oublié sa présence, lui donna une poignée de main, et ouvrit la porte. Hugh, qui était ou feignait d’être fort endormi sur le plancher de l’antichambre, bondit sur ses pieds quand ils entrèrent, et, jetant autour de lui son manteau, il empoigna son bâton et sa lanterne, et se prépara à descendre l’escalier.

« Attendez, dit M. Haredale, cet homme boira peut-être bien un coup.

— Boire ! Il boirait la Tamise, monsieur, si ce n’était pas de l’eau, répliqua John Willet. Il aura quelque chose quand nous serons rentrés au logis. Il vaut mieux qu’il n’en ait pas avant, monsieur.

— Là ! voyez ! la moitié de la distance est faite, dit Hugh. Quel rude maître vous êtes ! Je n’en irai que mieux au logis, si je bois un bon verre à mi-route. Allons, un coup à boire ! »

Comme John ne riposta pas, M. Haredale apporta un verre de liqueur et le donna à Hugh, qui, en le prenant dans sa main, en répandit une partie sur le plancher.

« À quoi pensez-vous, monsieur, d’éclabousser ainsi avec votre boisson la maison d’un gentleman ? dit John.

— Je porte un toast, répliqua Hugh, levant le verre au-dessus de sa tête, et fixant ses yeux sur le visage de M. Haredale, un toast à cette maison et à son maître. »

Il marmotta ensuite quelque chose pour lui seul, but le reste du liquide, et, replaçant le verre, les précéda sans ajouter un mot.

John fut grandement scandalisé de cet hommage ; mais, voyant que M. Haredale s’occupait peu de ce que Hugh pou-