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tôt à la porte au bas de la tourelle, et, traversant l’allée du jardin, il leur ouvrit la grille.

« Vous venez tard chez les gens, Willet. De quoi s’agit-il ?

— De moins que rien, monsieur, dit John ; c’est une histoire insignifiante, dont j’ai pensé cependant que je devais vous instruire. Voilà tout.

— Que votre domestique aille devant avec la lanterne, et donnez-moi votre main. L’escalier est tortueux et étroit. Doucement avec votre lanterne, l’ami. Vous la balancez comme un encensoir. »

Hugh, qui avait atteint déjà la tourelle, cessa d’agiter le falot et monta le premier, se tournant de temps en temps pour répandre en bas sa lumière sur les degrés. M. Haredale venait après lui, et observait son visage sombre d’un œil peu favorable ; Hugh répondait d’en haut à cet examen en lui rendant avec usure ses regards antipathiques, tandis que tous trois gravissaient l’escalier en spirale.

L’ascension eut pour terme une petite antichambre attenant à la pièce où les nouveaux venus avaient vu de la lumière. M. Haredale entra le premier, les mena à travers cette pièce jusqu’à celle du fond, et là, s’assit à un bureau d’où il s’était levé lorsqu’on avait tiré la sonnette.

« Entrez, dit-il en faisant signe au vieux John, qui restait à la porte et s’inclinait. Pas vous, l’ami, ajouta-t-il avec précipitation en s’adressant à Hugh, qui entrait comme son maître. Willet, pourquoi amenez-vous ici ce garçon ?

— Eh mais, monsieur, répondit John, haussant les sourcils et abaissant la voix au diapason de la demande qui lui était faite, c’est un camarade solide, comme vous voyez, pour tenir compagnie la nuit.

— Ne vous y fiez pas trop, dit M. Haredale en portant ses yeux vers Hugh. Moi, je n’y aurais pas confiance. Il a l’œil mauvais.

— Il n’y a pas beaucoup d’imagination dans son œil, répliqua M. Willet en lançant un regard par-dessus son épaule à l’organe en question ; ça, c’est certain.

— Il n’y a rien de bon, soyez-en sûr, dit M. Haredale. Attendez dans la petite pièce, l’ami, et fermez la porte entre nous. »

Hugh haussa les épaules, et, d’un air dédaigneux qui mon-