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— Que dit-elle ? demanda Tom Cobb.

— Ma foi ! je ne sais quoi ; je ne sais pas même si c’étaient des paroles. Elle proféra une espèce de cri, comme chacun de nous en pousserait un, si quelque vision terrible le poursuivait en rêve ou venait l’assaillir à l’improviste ; et puis ça s’évanouit dans l’air, ça sembla passer tout autour de l’église.

— Je ne vois pas que ce soit grand’chose, dit John en reprenant longuement haleine, et regardant autour de lui comme un homme qui se sent soulagé.

— Peut-être que non, répliqua son ami ; mais ce n’est pas tout.

— Qu’est-ce que vous allez encore nous conter, monsieur ? demanda John, en s’arrêtant au beau moment où il s’essuyait le front avec son tablier ; qu’est-ce que vous allez encore nous chanter ?

— Ce que j’ai vu !

— Vu ! répétèrent-ils tous les trois en se penchant vers lui.

— Quand j’ouvris la porte de l’église pour sortir, dit le petit homme avec une expression de physionomie qui témoignait amplement de la sincérité de sa conviction, quand j’ouvris la porte de l’église pour sortir, ce que je fis brusquement, parce qu’il me fallait la refermer avant qu’un autre coup de vent vint m’en empêcher, alors je me croisai, si près qu’en étendant mes doigts je l’aurais touché, avec quelque chose qui ressemblait à un homme. C’était nu-tête au milieu de l’ouragan ! Ça tourna sa figure sans s’arrêter, et ça fixa ses yeux sur les miens ! C’était un fantôme !… un esprit !…

— De qui ? » crièrent-ils tous les trois en même temps. Dans l’excès de son émotion, car il tomba en arrière tout tremblant sur sa chaise, et agita sa main comme s’il les conjurait de ne pas l’interroger davantage, sa réponse fut perdue pour tous, excepté pour le vieux John Willet, qui se trouvait assis près du sacristain.

« Qui donc ? crièrent Parkes et Tom Cobb, en regardant avec ardeur Salomon Daisy et M. Willet tour à tour. Qui donc était-ce ?…

— Messieurs, dit M. Willet après une longue pause, vous n’avez pas besoin de le demander. L’image d’un homme assassiné ! C’est le dix-neuf mars ! »