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BARNABÉ RUDGE

meilleur que celui-ci. Je supposais que vous pouviez ne pas connaître la route, puisque vous semblez étranger à ce pays.

— La route ? répéta l’autre d’un ton agacé.

— Oui. La connaissez-vous ?

— Je la… hum !… Je la trouverai bien, répliqua l’homme en agitant la main et en tournant sur ses talons. L’aubergiste, payez-vous. »

John Willet fit ce que désirait son hôte : car, sur cet article, rarement montrait-il de la lenteur, sauf lorsqu’il y avait des détails de change, parce qu’alors il lui fallait constater si chaque pièce d’argent qu’on lui présentait au comptoir était bonne, l’essayer avec ses dents ou sa langue, la soumettre à toute autre épreuve, ou, dans le cas douteux, à une série de contestations terminées par un rejet formel. L’homme, son compte réglé, s’enveloppa de ses vêtements de manière à se garantir le plus possible du temps atroce qu’il faisait, et, sans le moindre mot ou signe d’adieu, il alla vers l’écurie. Joe, qui avait quitté la salle après leur court dialogue, était dans la cour, s’abritant de la pluie, ainsi que le cheval, sous le toit en auvent d’un vieux hangar.

« Il est joliment de mon avis, dit Joe en tapotant le cou du cheval ; je gagerais qu’il serait plus charmé de vous voir rester ici cette nuit que je ne le serais moi-même.

— Lui et moi ne sommes pas d’accord, comme cela nous est arrivé plus d’une fois dans notre passage sur cette route-ci, fut la brève réponse.

— C’est ce que je pensais avant votre sortie de la salle, car il paraît qu’elle a senti vos éperons, la pauvre bête. »

L’étranger, sans répondre, ajusta autour de sa figure le collet de sa redingote.

« Vous me reconnaîtrez, à ce que je vois, dit-il lorsqu’il eut sauté en selle, car il remarqua la vive attention du jeune gars.

— Un homme mérite bien qu’on s’en souvienne, maître, quand il fait une route qu’il ne connaît pas sur un cheval éreinté, et qu’il abandonne pour cela un bon gîte par une soirée comme celle-ci.

— Il me paraît que vous avez des yeux perçants et une langue bien affilée.