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pensées, pour en revenir à celles qui l’avaient préoccupé tout le jour. L’intrigue se complique ; voilà ma bombe lancée ; elle éclatera dans quarante-huit heures, et va vous éparpiller toutes ces bonnes gens-là d’une manière étonnante. Nous verrons ! »

Il se coucha et s’endormit ; mais il n’y avait pas longtemps qu’il dormait quand il se réveilla en sursaut, croyant que Hugh était à la porte extérieure et demandait d’une voix étrange, très différente de la sienne, qu’on le fît entrer. L’illusion était si forte et si pleine de cette vague terreur que la nuit donne à de semblables visions, qu’il se leva, et, prenant à la main son épée dans le fourreau, ouvrit la porte, regarda l’escalier à l’endroit où il avait trouvé Hugh endormi, et l’appela même par son nom. Mais tout était sombre et paisible. Il retourna lentement au lit, et, après une heure de veille fatigante, il retrouva le sommeil, et ne s’éveilla plus que le lendemain matin.



CHAPITRE XXIX.

Les pensées des hommes du monde sont à jamais réglées par une loi morale de gravitation, qui, comme la loi physique, les emporte vers la terre en vertu de l’attraction. Le glorieux éclat du jour et les silencieuses merveilles d’une nuit éclairée par les étoiles font un vain appel à leurs esprits. Il n’y a pas de signes dans le soleil, ni dans la lune ni dans les étoiles, qu’ils sachent lire. Ils ressemblent à quelques savants qui connaissent chaque planète par son nom latin, mais qui ont tout à fait oublié de petites constellations célestes telles que la charité, la tolérance, l’amour universel et la miséricorde, quoiqu’elles brillent nuit et jour d’une clarté si splendide que les aveugles peuvent les voir ; et qui, en regardant là haut le ciel parsemé de paillettes, n’y voient rien que le reflet de leur grand savoir et de leur instruction de rencontre puisée dans des bouquins.