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pour état que de fendre du bois et de tirer de l’eau, elle se plaint seulement d’un rhumatisme. Mon cher Haredale, ce sont là les distinctions naturelles des classes, soyez-en convaincu. »

M. Haredale, dont la figure avait repris son air sombre et défiant dès qu’il avait entendu la voix, inclina sa tête avec roideur et tourna le dos à l’orateur.

« Pas ouvert encore ! dit M. Chester. Ah ! mon Dieu ! j’espère que l’antique créature ne s’est pas pris le pied en chemin dans quelque malencontreuse toile d’araignée. La voici enfin ! Entrez, je vous prie ! »

M. Haredale entra, suivi du serrurier. Se tournant, d’un air très étonné, vers la vieille femme qui avait ouvert la porte, il demanda Mme Rudge et Barnabé. Ils étaient partis ensemble tout de bon, répliqua-t-elle en secouant sa tête chenue. Il y avait dans la salle à manger un gentleman qui leur en dirait peut-être davantage. Pour elle, c’était tout ce qu’elle en savait.

« Veuillez, monsieur, dit M. Haredale, en se présentant devant ce nouvel occupant, me dire où est la personne que je venais voir ici.

— Mon cher ami, répliqua-t-il, je n’en ai pas la moindre idée.

— Vos plaisanteries sont intempestives, riposta l’autre d’un ton de voix étouffé, et le sujet est mal choisi. Réservez-les pour vos amis, au lieu de les perdre avec moi. Je ne me reconnais aucun titre à cette distinction, et j’ai le désintéressement de la refuser.

— Mon cher bon monsieur, dit M. Chester, la marche vous a échauffé. Asseyez-vous, je vous prie. Notre ami est… ?

— Tout uniment un honnête homme, répliqua M. Haredale, et tout à fait indigne de votre attention.

— Monsieur, je me nomme Gabriel Varden, dit le serrurier d’un ton un peu brusque.

— Un estimable yeoman anglais ! dit M. Chester, un très estimable yeoman, dont j’ai souvent entendu parler à mon fils Ned, cher garçon, et que j’ai souvent eu le désir de voir. Varden, mon bon ami, je suis enchanté de vous connaître. Vous êtes bien étonné, dit-il en se tournant languissamment vers M Haredale, de me trouver ici ? Allons, avouez que vous l’êtes. »