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votre fils, monsieur, dit M. Tappertit ; les chaises que j’ai eu à lui donner, les voitures que j’ai eu à aller lui chercher, les nombreuses besognes dégradantes, et sans la moindre connexion avec mon contrat d’apprentissage, que j’ai eu à subir pour lui, remplirait une Bible de famille. D’ailleurs, monsieur, ce n’est lui-même au bout du compte qu’un jeune homme, et je ne considère pas : « Merci, Sim » comme une formule convenable de politesse en ces occasions.

— Monsieur Tappertit, vous avez une sagesse au-dessus de votre âge. Continuez, je vous prie.

— Je vous remercie de votre bonne opinion, monsieur, dit Sim, très flatté, et je tâcherai de la justifier. Maintenant, monsieur, à cause de ce grief (et peut-être encore pour une ou deux raisons qu’il est inutile de vous déduire), je suis de votre côté. Et voici ce que je vous dis : tant que nos gens iront et viendront, çà et là, en long et en large, à ce vieux joyeux Maypole là-bas, avec des lettres, des commissions, mille choses qu’on porte, qu’on va chercher, vous ne sauriez empêcher votre fils d’entretenir commerce avec cette jeune demoiselle par délégué, quand tous les Horse-Guards[1] le surveilleraient nuit et jour, en grand uniforme, depuis le premier jusqu’au dernier. »

M. Tappertit s’arrêta pour prendre haleine après cette hypothèse ; puis il reprit son élan.

« Maintenant, monsieur, j’arrive au point capital. Vous demanderez comment empêcher cela ? je vais vous dire comment. Si un honnête, civil, et souriant gentleman, tel que vous…

— Monsieur Tappertit, réellement…

— Non, non, je parle sérieusement, répliqua l’apprenti, je parle sérieusement, ma parole d’honneur. Si un honnête, civil, et souriant gentleman, tel que vous, consentait à causer seulement pendant dix minutes avec notre vieille femme, Mme Varden, et à la flatter un brin, elle vous serait acquise à jamais. Et nous obtiendrons cet autre résultat que sa fille Dolly (ici une rougeur subite se répandit sur la figure de M. Tappertit) n’aurait plus la permission de servir dorénavant d’intermédiaire ; mais rien ne l’en empêchera, tant que nous n’aurons pas la mère pour nous. Songez-y bien.

  1. Gardes du corps à cheval.