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et plein d’intelligence ? Les animaux vertueux et bien doués, hommes et bêtes, sont toujours très hideux.

— Ce chien que vous voyez, et un de la même portée, furent la seule chose vivante, excepté moi, qui poussa des cris plaintifs ce jour-là, dit Hugh. De deux mille hommes, et davantage (la foule était plus nombreuse, parce que c’était une femme), le chien et moi nous fûmes les seuls à ressentir quelque pitié. Si ç’avait été un homme, il aurait été bien aise d’être débarrassé d’elle, car elle avait été contrainte par la misère de le laisser maigrir et presque mourir de faim ; mais comme ce n’était qu’un chien, et qu’il n’avait pas naturellement les sentiments d’un homme, il en eut du chagrin.

— C’était pure stupidité de bête brute, certainement, dit M. Chester, et bien digne d’une bête brute comme lui. »

Hugh ne répliqua pas ; mais sifflant son chien, qui bondit au sifflement et vint sauter et gambader autour de lui, il souhaita le bonsoir à son ami, le gentleman sympathique.

« Bonsoir, répondit M. Chester. N’oubliez pas que vous êtes en sûreté avec moi, tout à fait en sûreté. Aussi longtemps que vous le mériterez, mon bon garçon, et vous le mériterez toujours, j’espère, vous aurez en moi un ami sur le silence duquel vous pouvez compter. Maintenant faites attention à vous, et songez à quoi vous vous exposez. Bonsoir ! Dieu vous assiste ! »

Hugh, intimidé par le sens caché de ces paroles, fit le chien couchant, et gagna la porte en rampant, pour ainsi dire, d’une manière si soumise et si subalterne, d’une façon, en un mot, si différente des airs de bravache qu’il avait en entrant, que son patron resté seul sourit plus que jamais.

« Et cependant, dit-il en prenant une prise de tabac, je n’aime pas qu’on ait pendu sa mère. Ce garçon a un bel œil ; je suis sûr qu’elle était belle. Mais très probablement c’était une grossière créature ; elle avait peut-être un nez rouge et de gros vilains pieds. Baste ! Tout a été pour le mieux, sans aucun doute. »

Après cette réflexion consolante, il mit son habit, adressa un regard d’adieu au miroir et sonna son domestique. Celui-ci parut promptement, suivi d’une chaise et de ses porteurs.

« Pouah ! dit M. Chester, l’atmosphère que ce centaure m’a apportée est empestée : cela pue l’échelle et la charrette. Ici, Peak. Apportez quelque eau de senteur et arrosez le