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est de l’argent, comme dit le bon proverbe, quoique pour moi je n’aie jamais vu cela. Eh bien ! qu’y a-t-il ? vous savez que je n’y suis pas.

— Un homme, monsieur, répliqua le domestique, qui était dans son genre d’une tout aussi grande froideur et d’une tout aussi grande indolence que son maître, a rapporté chez vous la cravache que vous avez perdue l’autre jour. Je lui ai dit que vous étiez absent, mais il a déclaré qu’il attendrait que je vous eusse apporté cette cravache, et ne s’en irait pas ayant.

— Il avait complétement raison, répondit son maître, et vous êtes un imbécile, sans aucune espèce de jugement ni de discernement. Dites-lui d’entrer, et veillez à ce qu’il essuie ses souliers pendant cinq minutes précises avant d’entrer. »

Le domestique posa la cravache sur une chaise et se retira. Le maître, qui avait seulement entendu ses pas sur le parquet, sans prendre la peine de se retourner pour le voir, ferma son livre, et poursuivit le cours de ses idées interrompues par l’entrée du valet.

« Si le temps était de l’argent, dit-il en maniant sa tabatière, je transigerais avec mes créanciers, et je leur donnerais… voyons donc… combien chaque jour ? Il y a mon somme après dîner, une heure. Je peux leur sacrifier cela bien volontiers, pour qu’ils en tirent le meilleur parti possible. Le matin, entre mon déjeuner et le journal, je leur réserverais une autre heure ; et le soir avant dîner, mettons encore une heure. Trois heures chaque jour. Ils se payeraient eux-mêmes en visites, avec les intérêts, dans l’espace de douze mois. J’ai envie de leur en faire la proposition quelque jour… Ah ! mon centaure, c’est vous qui êtes là ?

— C’est moi, répondit Hugh en entrant à grandes enjambées, suivi d’un chien aussi rude et aussi farouche que lui ; j’ai eu assez de mal à arriver jusqu’ici. Pourquoi donc me demandez-vous de venir, et me laissez-vous dehors quand je viens ?

— Mon bon garçon, répliqua l’autre en levant un peu sa tête de dessus le coussin, et l’examinant avec insouciance de la tête aux pieds, je suis enchanté de vous voir, et d’acquérir, par votre présence ici, la preuve la plus convaincante qu’on ne vous laisse pas dehors, quoi que vous en disiez. Comment allez-vous ?