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soir aux voyageurs, qu’on leur eut recommandé de s’envelopper, qu’en dirigeant sur eux le rayon des lumières on leur eut tendu leurs manteaux et leurs châles, la carriole roula et Joe trotta auprès, du côté de Dolly, cela va sans dire, et presque tout contre la roue.



CHAPITRE XXII.

C’était une belle et brillante nuit. Malgré son abattement, Dolly regardait les étoiles avec une attitude et d’une manière si propre à ensorceler (elle le savait bien), que Joe en avait perdu la tête, et que, si jamais un homme s’enfonça, c’est trop peu dire jusqu’aux oreilles et par-dessus la tête, mais plutôt par-dessus le Monument et le dôme de Saint-Paul, dans le fin fond de l’amour, cet homme-là, c’était lui, la chose était claire comme le jour. La route était fort bonne : ce n’était pas une route à cahots, ni même une route inégale ; et cependant Dolly, de sa petite main, voulut se retenir à la chaise durant tout le trajet. Quand il y aurait eu là derrière lui un exécuteur avec sa hache levée en l’air et prêt à le décoller s’il touchait cette main, Joe n’aurait pas pu s’empêcher de le faire. Après avoir mis sa propre main sur celle de Dolly comme par hasard, et l’avoir retirée au bout d’une minute, il en vint à chevaucher tout le long de la route, sans retirer sa main du tout. On eût dit que l’escorte avait cette consigne, comme partie importante de son service, et qu’elle n’avait pas quitté le Maypole pour autre chose. Le plus curieux incident de ce petit épisode, c’est que Dolly avait l’air de ne pas s’en apercevoir. Elle semblait si pleine d’innocence, si sainte nitouche quand elle tournait ses yeux sur lui, que c’en était agaçant.

Elle parla néanmoins ; elle parla de sa frayeur et de l’arrivée de Joe à son secours, et de sa reconnaissance, et de sa crainte de ne pas l’avoir assez remercié, et de l’espérance que désormais ils vivraient comme une bonne paire d’amis,