Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 1, Hachette, 1911.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ha, ha, ha ! Vous ne pouvez pas cacher votre beauté à un pauvre garçon ; c’est toujours ça. »

Elle ne lui fit aucune réponse ; mais, comme il ne l’avait pas encore empêchée de continuer sa marche, elle avançait le plus vite qu’elle pouvait. À la fin, tandis qu’elle marchait avec précipitation, dans sa terreur, et qu’il l’étreignait davantage, la force manqua à la pauvre enfant, et elle ne put pas aller plus loin.

« Hugh, cria la jeune fille haletante, si vous me laissez, je vous donnerai quelque chose, tout ce que j’ai, et je ne dirai jamais un mot de ceci à âme qui vive.

— C’est ce que vous avez de mieux à faire, répondit-il. Écoutez, petite colombe, c’est ce que vous avez de mieux à faire. Tout le monde d’alentour me connaît, et l’on sait ce dont je suis capable, quand je veux. Si jamais vous êtes tentée de parler de cela, arrêtez-vous avant que les mots s’échappent de vos lèvres, et pensez au mal que vous attireriez, en jasant, sur quelques têtes innocentes dont vous ne voudriez pas qu’il tombât un cheveu. Faites-moi de la peine, et je leur en ferai, et quelque chose de plus en retour. Je ne me soucie pas plus de leur peau que si c’étaient des chiens, pas même autant. Et pourquoi m’en soucierais-je ? Il n’y a pas de jour où je ne fusse plus disposé à tuer un homme qu’un chien. Je n’ai jamais été peiné de la mort d’un homme dans toute ma vie, et la mort d’un chien m’a fait de la peine. »

Il y avait quelque chose de si complétement sauvage dans le caractère de ces expressions, dans les regards et les gestes dont elles étaient accompagnées, que la frayeur de Dolly lui donna une nouvelle vigueur, et la rendit capable de se dégager par un soudain effort et de courir de toute sa vitesse. Mais Hugh était aussi agile et vigoureux, aussi rapide à la course que n’importe quel coureur dans toute l’Angleterre. Ce ne fut qu’une vaine dépense d’énergie : car, avant que la fugitive eût fait cent pas, il l’entoura une seconde fois de ses bras.

« Doucement ! chérie, doucement ! Voudriez-vous donc fuir le rude Hugh, qui ne vous aime pas moins que n’importe quel galant de salon ?

— Oui, je le voudrais, dit-elle en s’efforçant de se dégager de nouveau. Je le veux. Au secours !