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farouche, comme d’habitude, elle n’aurait pas eu pour sa compagnie plus de répugnance qu’elle n’en avait toujours éprouvé ; peut-être même eût-elle été bien aise de cette escorte. Mais il y avait dans ses regards une espèce de grossière et audacieuse admiration qui la terrifia. Elle jetait sur lui des coups d’œil timides, incertaine si elle devait avancer ou reculer, et lui, debout, la regardait comme un beau Satyre ; et ils restèrent ainsi pendant quelque temps sans bouger ni rompre le silence. Enfin Dolly prit courage, le dépassa d’un bond, et marcha précipitamment.

« Pourquoi donc vous essoufflez-vous à m’éviter ? dit Hugh, en accommodant son pas à celui de la jeune fille et se tenant tout près d’elle.

— Je veux rentrer le plus vite possible, et d’ailleurs vous marchez trop près de moi, répondit Dolly.

— Trop près ! dit Hugh en se baissant sur elle au point qu’elle pouvait sentir l’haleine de celui-ci sur son front. Pourquoi trop près ? Vous êtes toujours fière avec moi, mistress.

— Je ne suis fière avec personne. Vous me jugez mal, répondit Dolly. Tenez-vous en arrière, s’il vous plaît, ou allez-vous-en.

— Non, mistress, répliqua-t-il en cherchant à mettre le bras de la jeune fille dans le sien. J’irai avec vous. »

Elle se dégagea, et serrant sa petite main, elle le frappa avec toute la bonne volonté possible. Ce coup fit éclater de rire Hugh du Maypole, ou plutôt il poussa un rugissement jovial ; et lui passant son bras autour de la taille, il la retint dans sa forte étreinte aussi aisément que si elle eût été un oiseau.

« Ha, ha, ha ! bravo, mistress ! Frappez encore. Meurtrissez-moi la figure, arrachez-moi les cheveux, déracinez-moi la barbe, j’y consens, pour l’amour de vos beaux yeux. Frappez encore, maîtresse. Allons. Ha, ha, ha ! ça me fait plaisir.

— Lâchez-moi, cria-t-elle, en s’efforçant avec les deux mains de se débarrasser de lui. Lâchez-moi tout de suite.

— Vous feriez bien d’être moins cruelle pour moi, mon adorable ; dit Hugh, vous feriez bien, en vérité. Voyons, pourquoi êtes-vous toujours si fière ? Mais je ne vous en fais pas de reproche. J’aime à vous voir fière comme cela.