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Le crépuscule était survenu, et l’obscurité augmentait d’une manière rapide dans la campagne ; mais Dolly était si familiarisée avec le sentier, pour l’avoir traversé bien souvent, qu’elle s’apercevait à peine de la brune, et n’éprouvait aucun malaise d’être seule. D’ailleurs, il y avait le bracelet à admirer ; et quand elle l’eut bien frotté et se le fut offert en perspective au bout de son bras étendu, il étincelait et reluisait si magnifiquement à son poignet, que le contempler dans tous les points de vue, et en tournant le bras de toutes les façons possibles, était devenu une occupation tout à fait absorbante. Il y avait la lettre, aussi, et qui lui semblait si mystérieuse, si rusée, quand elle la tira de sa poche, et qui contenait tant d’écriture sur ses pages, que de la tourner, et retourner, en se demandant de quelle manière elle commençait, de quelle manière elle finissait, et ce qu’elle disait tout du long, cela devint un autre sujet d’occupation continuelle. Entre le bracelet et la lettre, il y eut bien assez à faire sans penser à autre chose ; et, en les admirant tour à tour, Dolly chemina gaiement.

Comme elle passait par une porte d’échalier, là où le sentier était étroit et flanqué de deux haies garnies d’arbres de place en place, elle entendit tout près d’elle un frôlement qui la fit s’arrêter soudain. Elle écouta. Tout était tranquille, et elle poursuivit sa route, non pas absolument avec frayeur, mais avec un peu plus de vitesse qu’avant peut-être ; il est possible aussi qu’elle fût un peu moins à son aise, car une alerte de ce genre est toujours saisissante.

Elle n’eut pas sitôt repris sa marche, qu’elle entendit le même son, semblable au bruit d’une personne qui se glisserait à pas de loup le long des buissons et des broussailles. Regardant du côté d’où ce bruit paraissait venir, elle s’imagina presque pouvoir distinguer une forme rampante. Elle s’arrêta derechef. Tout était tranquille comme avant. Elle se remit en marche, décidément plus vite cette fois, et elle essaya de chanter doucement à part elle. Bon ! encore ! il fallait donc que ce fût le vent.

Mais comment arrivait-il que le veut soufflât seulement lorsqu’elle marchait, et qu’il cessât de souffler lorsqu’elle restait immobile ? Elle s’arrêta sans le vouloir en faisant cette réflexion, et le frôlement s’arrêta également. Elle ressentait