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« Venez ici, petite fille, dit M. Haredale en la prenant par la main. J’ai à vous parler.

— S’il vous plaît, monsieur, il faut que je me dépêche, balbutia Dolly, et… et vous m’avez effrayée en m’abordant d’une manière si soudaine, monsieur. J’aimerais mieux m’en aller, monsieur, si vous étiez assez bon pour me le permettre.

— Immédiatement, dit M. Haredale, qui pendant ce temps l’avait conduite dans la bibliothèque, dont il avait fermé la porte. Vous vous en irez tout de suite. Vous venez de quitter Emma ?

— Oui, monsieur, il n’y a qu’une minute ; mon père m’attend, monsieur ; ayez la bonté, s’il vous plaît…

— Je sais, je sais, dit M. Haredale. Répondez à cette question. Qu’avez-vous apporté ici aujourd’hui ?

— Apporté ici, monsieur ? balbutia Dolly.

— Vous me direz la vérité, j’en suis sûr. N’est-ce pas ? »

Dolly hésita un instant, et quelque peu enhardie par le ton de M. Haredale, elle dit enfin : « Eh bien, monsieur, c’était une lettre.

— De M. Édouard Chester, naturellement. Et vous remportez la réponse ? »

Dolly hésita de nouveau, et, faute de mieux, elle fondit en larmes.

« Vous vous alarmez sans motif, dit M. Haredale. Pourquoi ces enfantillages ? Assurément vous pouvez me répondre. Vous savez que je n’aurais qu’à poser la question à Emma, pour connaître aussitôt la vérité. Avez-vous la réponse sur vous ? »

Dolly avait, comme on dit, son petit caractère, et, se voyant alors joliment aux abois, elle le déploya de son mieux.

« Oui, monsieur, répliqua-t-elle, toute tremblante et effrayée qu’elle était ; oui, monsieur, je l’ai. Vous pouvez me tuer si vous voulez, monsieur, mais je ne m’en dessaisirai pas. J’en suis très-fâchée, mais je ne la livrerai pas ; voilà, monsieur.

— Je loue votre fermeté et votre franchise, dit M. Haredale. Soyez assurée que je désire aussi peu vous ravir votre lettre que votre vie. Vous êtes une très discrète messagère et une bonne fille. »

Ne se sentant point la pleine certitude, comme elle l’avoua